L'histoire :
Sortant d’une fumée de balisage rouge, une escouade de l’armée américaine s’éloigne rapidement dans la jungle inhospitalière du Viêt Nam. Après l’appel radio, deux bombardiers d’appui tactique de type A-1 Skyraider déversent sur la zone leur bombe de Napalm. Dans un souffle, le feu des enfers se répand, anéantissant tout sur son passage. Dans les rangs de l’unité, les relations sont tendues et certains reproches ne sont pas loin de mettre le feu aux poudres. Chacun cache un obscur vécu commun, une sombre histoire dont chacun a été le témoin et que le danger qui les menace tient enfoui au plus profond d’eux. Les différents checkpoints sont franchis sans résistance des troupes Viet Kong. Les nerfs des hommes sont mis à rude épreuve, mais le charisme et l’autorité du sergent sont suffisants pour maintenir l’ordre. Alors qu’ils se dirigent vers une nouvelle zone à baliser, le soldat DeSoto saute sur une mine. S’ensuit un feu nourri de l’ennemi. Le petit groupe détient un équipement léger et ne possède pas l’armement nécessaire pour faire face à une attaque en nombre des opposants. Le repli est logique et deux combattants manquent à l’appel. La brume est épaisse et le froid se fait anormalement ressentir. De plus, les boussoles et le système de communication sont hors service. Dans leur fuite, l’équipe croise des militaires du front national de libération du Sud Viêt Nam atrocement mutilés. D’après une légende ancestrale, ce serait le Latha qui aurait libéré sa rage...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Latah est l'une des premières gifles graphiques et scénaristiques de ce début d’année. Thomas Legrain, dessinateur – et scénariste pour la première fois – plonge le lecteur dans l’enfer humide et inhospitalier de la jungle du Viêt Nam, en 1965. L’auteur donne à suivre une escouade chargée de baliser les zones à bombarder au Napalm. Il s’affranchit de la classique zone de front et laisse plus de place narrative pour exprimer la psychologie du groupe de soldats et le récit autour du Latha. Le mécanisme scénaristique est bien huilé, avec quelques rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la dernière planche. L'histoire est savamment développée et l’apparition du Latah, qui a un côté surnaturel, ne choque en aucun cas l’immersion très réaliste au sein de cette guerre. D’ailleurs, le terme « réaliste » reflète l’environnement graphique de l’album. Le trait est précis et détaillé. L’ambiance poisseuse et humide de la jungle est justement retranscrite. L’escouade est habilement dessinée et remémorera sans doute à certains lecteurs la série télévisuelle de la fin des années 80, L’enfer du devoir. Certaines planches sont violentes. L’auteur n’hésite pas à représenter les corps mutilés avec tripes et boyaux, rappelant de cette façon l'horreur de la guerre. Il serait injuste de ne pas relever l’excellent travail sur les coloris de Mikl, qui souligne toute l’intensité graphique de l’ouvrage. Le rendu en couleurs est en tous points somptueux. L’album sera aussi publié en noir et blanc, laissant dès lors un point d’interrogation sur le rendu graphique, car le travail de colorisation et son apport semblent fondamentaux. Ainsi, Thomas Legrain offre un récit dense, fort et intelligemment narré dans un écrin graphique superbe, magnifié par une formidable colorisation de Mikl. À lire absolument !