L'histoire :
Jean (Djin) Atwood est interne en 5ème année de médecine. C’est une fille au tempérament spécial. Pour finir son internat, elle doit faire un stage dans le service de gynécologie obstétrique du Dr Karma. Voilà une idée qui l’enchante peu. Jean en a entendu sur ce Franz Karma. Il favorise le dialogue à la technique, voilà une étrange méthode pour soigner. Et entendre des « bonnes femmes » se plaindre de leur contraception ou du reste ne l’intéresse guère. Elle veut être chirurgienne. Franz Karma la met en difficulté pour lui faire prendre conscience de certaines choses, notamment sa réaction violente et disproportionnée concernant cette femme de 48 ans qui rêve d’un enfant avec son conjoint de 20 ans de moins qu’elle. Au fil des jours passés dans le service, elle va apprendre à ne plus juger. Il est évident que la contraception est parfois tabou dans certaines familles ou communautés. C’est aussi un sujet complexe par sa diversité. En observant Franz au quotidien, elle reconnaît que l’écoute de la patiente est essentielle afin de prescrire le traitement adapté aux besoins. De jour en jour, elle fait la connaissance de ses patientes. Certaines ont un parcours tant atypique que dramatique. Jean doit admettre que les approches de ce médecin peuvent surprendre mais portent leurs fruits. La relation de confiance avec ses patientes est sans faille. Franz justifie la réputation qui lui incombe, car il ose dénoncer certaines pratiques trop ancestrales, voire traumatisantes et brutales pour les patientes. Il s’oppose aux dogmes et s’attire les foudres de ses confrères. Son ami Olivier a mis fin à ses jours après avoir commencé un ouvrage polémique, Le corps des femmes. Un livre dans lequel il va à l’encontre de la théorie et crée la controverse... mais il n’a pas supporté la pression du corps médical. Finalement, Franz est un personnage plutôt attachant et drôle. Et puis il va se révéler être un homme capable de bouleverser, à son tour, sa vie à elle...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2019, Aude Mermilliod nous livrait une autobiographie poignante sur l’avortement dans Il fallait que je vous le dise. Dans son 3ème ouvrage, elle met cette fois en images un roman à succès (éponyme) de Martin Winckler. Cette autrice engagée, que la condition féminine inspire, aime dessiner les corps avec délicatesse. Son personnage de Jean, que l’on prononce « Djin », comme Jean Seberg, est une fille intersexe, au physique ingrat. Ces détails sont relayés au second plan, derrière son caractère un brin rabat-joie et négative. Jean a beaucoup d'a priori sur ce qui l’attend. Elle fronce souvent les sourcils avec insolence et les pages sont ponctuées de bulles de ses pensées. Le lecteur et Jean découvrent simultanément l’histoire et le parcours médical de différentes femmes. L’autrice montre que l’IVG, par exemple, touche toutes personnes, quel que soit l'âge ou le milieu social. Encore aujourd’hui, peu sont les praticiens qui écoutent… ils ont souvent la tête dans les manuels, alors que le terrain n’est pas toujours un cas d’étude. Peu sont ceux, aujourd’hui, qui osent dénoncer ou s’opposer à certaines pratiques. C’est encore plus vrai dans le milieu gynécologique, où les femmes subissent encore des examens traumatisants. On peut citer également l’exemple de l’épisiotomie pendant les accouchements, pratiquée quasi systématiquement il y a quelques années et aujourd’hui controversée. On entre dans l’intimité la plus profonde de toutes ces femmes. Ses écrits révèlent une certaine vérité, toujours d’actualité. Beaucoup de femmes aujourd’hui ne sont pas suivies régulièrement en matière de gynécologie. Il y a toujours l’appréhension et la mise à nue qui créent des angoisses et complexes. En matière médicale, l’empathie est rare et pourtant essentielle. Mais après tout, la filière psychologique est une spécialité à part entière… savoir écouter n’est pas inné ! La santé est devenue une machine infernale au fil des années et les patients sont devenus des numéros... mais c'est un autre sujet ! Avec une happy end aussi inattendue qu’émouvante, cette adaptation sensible devrait toucher un public plus large.