L'histoire :
Léonard le génie passe son temps à inventer de nouveaux objets, dont l'utilité laisse parfois pantois. Le tire-bouchon avant le bouchon, ou la caravane avant d'inventer l'asphalte pour rouler dessus. Basile est son disciple, chargé de la réalisation des idées du maître. Il fait surtout office de souffre-douleur, victime des colères de son génial patron. Lorsque celui-ci veut tester les effets d'une protéine de poisson-zèbre qui aurait la propriété de régénérer les organes, il n'hésite pas à mettre entre les mains de son disciple un outil ultra tranchant, et le résultat ne se fait pas attendre. Basile revient avec son bras coupé, prêt à être le cobaye de la nouvelle protéine. Lorsque c'est le disciple lui-même qui fait preuve d'initiative, son maître ne manque pas de le remettre à sa place avec un classique coup de tromblon en pleine poire, ce qui laisse le jeune homme hagard. Quant à Mathurine, la très massive mais sympathique cuisinière et femme de ménage, elle est la complice caractérielle des mésaventures du duo, pas forcément mieux organisée que ses collègues. Le trio sympathique évolue dans un monde absurde et sans âge, agité par la frénésie créatrice et l'absence totale de limites...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Invariablement depuis plus de trois décennies, le duo Turk et De Groot anime les gags des deux personnages parmi les plus constamment absurdes du paysage BD. Léonard et son disciple sont les survivants ultra énergiques de l'époque révolue des hebdomadaires BD (même si leurs premiers gags parurent dans l'éphémère Achille Talon Magazine), où leur arrivée avait surpris par un ton décalé, efficace et à l'époque résolument moderne. Les auteurs avaient digéré les révolutions importées dans la BD franco-belge par les Gotlib, Greg et consort, qui avaient porté l'humour sur papier à un degré supérieur de second degré. Toujours restés bon enfant, les gags de Léonard n'ont pas réellement vieilli, à la manière des dessins animés des années 50 dont la folle énergie créative reste un plaisir, malgré leurs ressorts désormais vus et revus. On peut lire ce nouveau recueil sans avoir jamais rencontré ses deux personnages principaux, tout comme retrouver la familiarité de leur univers qui ne connait aucune limite. L'absence totale d'ancrage chronologique (mais à quelle Renaissance vivent-ils, exactement ?), la profusion d'anachronismes (comme cette enceinte acoustique sur un rebord de fenêtre), la régularité immuable des coups de tromblon dans la figure de Basile, sont autant de repères familiers que l'on retrouve grosso modo depuis les débuts, en 1977. Il n'y a rien de surprenant pour le lecteur de BD rompu aux gags en une ou plusieurs pages, mais tout fonctionne comme sur des roulettes. Les auteurs semblent encore prendre du plaisir avec ces personnages antagonistes mais inséparables, ce chat qui parle comme la coccinelle de Gotlib ou le Rantanplan de Morris et Goscinny. Léonard est une série classique et drôle, menée par deux vétérans rompus à leur numéro de claquettes, qu'ils exécutent avec un sourire communicatif