L'histoire :
Juin 1940, quelque part dans le Puy-de-Dôme, dans le cimetière d'Orcines. Édouard Michelin se recueille devant le caveau familial et s'adresse à son défunt frère André. Il aurait préféré lui rendre visite en d'autres circonstances, il ne sait même pas s'il pourra revenir. Les allemands ne sont pas loin. Et cette fois-ci, ce ne sont pas ceux que tous deux ont combattus. Non, de l'aveu d’Édouard, ceux-là sont mauvais. Et l'ironie du sort, c'est que leurs voitures sont équipées des pneus qui sortent des ateliers de production Michelin... De quoi se retourner dans sa tombe et presque regretter, pour Édouard, de ne pas avoir rejoint son frère pour éviter un tel déshonneur. Alors il invoque ses souvenirs d'enfance et cette tante anglaise, Liz', qu'il n'a jamais connue, mais dont il sait qu'elle confectionnait des balles en caoutchouc qu'elle donnait à André. Il se souvient aussi des voyages dans la charrette, son père à l'avant, son frère et lui à l'arrière. Et les nids de poule sur les routes qui, bien souvent, brisaient une roue qu'il fallait réparer sur place avant de pouvoir repartir. Et les soins à prodiguer aux chevaux une fois la destination atteinte. Et puis 1885, année charnière où il demanda à son frère de renoncer aux beaux-arts qu'il effectuait à Paris pour prendre la présidence d'une entreprise clermontoise menaçant de tomber en faillite...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Personne n'est dupe, cette BD est un outil de communication au service de l'entreprise mondialement connue de pneumatiques. Et tout le monde sait à quel point les multinationales contrôlent leur image. A tel point que cet album était dans un premier temps sous-titré L'histoire d'un empire. Mais on parierait son poids en caoutchouc qu'un représentant de Bib' a jugé cela comme trop ostentatoire... Et « une aventure industrielle », ça colle parfaitement au nom du musée qui se trouve à Clermont-Ferrand ! Ceci dit, et là non plus, cela ne surprendra personne, la qualité est une valeur essentielle pour la « manufacture » et on la retrouve ici. En effet, l'histoire narrée par Edouard sous forme de flashbacks s'avère passionnante, car elle recèle d'anecdotes bien réelles qui viennent mettre en lumière à quel point les deux frères étaient visionnaires. Ainsi, l'essor de l'entreprise a commencé avec la diversification, en particulier pour les roues des vélos. On assiste donc à une reconstitution, sûrement fidèle, des échanges entre Édouard et André, aux qualités complémentaires. L'un s'attache à mettre au point une chambre à air révolutionnaire, car non fixée à la roue, donc changeable plus rapidement en cas de crevaison (il fallait plusieurs heures à l'origine) ; et l'autre se débrouille pour embaucher un cycliste qui va gagner grâce à ce progrès, André allant même jusqu'à semer des clous sur la route pour que son coureur crève et change la roue devant des journalistes médusés, assurant ainsi une promotion monstre de l'invention de son frère ! Et tout est comme ça dans ce livre, qui arrive à distraire, en même temps que le lecteur se sent pris d'un immense respect pour ces deux entrepreneurs (qui réussirent à manœuvrer l’occupant allemand), même si leur paternalisme n'est plus de ce temps. Bien sûr, on trouvera en conclusion un cahier qui amène de la documentation et poursuit le récit du développement de la marque. Alors oui, « Nunc est Bibendum », c'est maintenant qu'il faut s'abreuver de cette lecture !