L'histoire :
Le 6 novembre 1792, le dragon Pierre-Marie Dragon et son fidèle écuyer « mignon » Anselme sont engagés sur le front de Jemappes (Wallonie) au sein de l’armée révolutionnaire commandée par le général Dumouriez. Il s’agit de libérer la Belgique du joug autrichien. Pour s’assurer de sortir indemne de la bataille, Dragon commence par tirer une balle dans le crane du cheval sur lequel il galope. Puis il se planque derrière, attendant que le reste de la troupe fasse le job. Louis-Philippe d’Orléans, alors lieutenant-général dans l’armée du Nord repère la manœuvre et tente de dénoncer Dragon à sa hiérarchie. Mais Dumouriez, puis surtout Danton, interviennent providentiellement pour l’embrouiller. Il ne faudrait pas qu’on perturbe le lucratif trafic de fournitures auquel il se livre avec Dragon. Le 14 novembre, Dumouriez déclame un discours enflammé du haut de l’hôtel de ville de Bruxelles. Danton et Dragon, eux, participent à une partouze géante. Et ils établissent l’idée de leur nouveau plan pour s’en mettre plein les poches : profiter de la guerre pour « réquisitionner » la Belgique de ses toiles de grands maîtres flamands réparties dans les édifices religieux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’instar de Blutch dans les Tuniques bleues, le couard dragon (c’est son grade militaire) Dragon (c’est son patronyme) commence par buter son cheval d’une balle en pleine tête, en pleine charge de cavalerie, pour éviter d’être tué ou blessé. Certes, Blutch ne ferait pas de mal à Arabesque. Cette scène a le mérite de nous redonner la mentalité de ce soldat moustachu qui semble cumuler tous les vices : il est lâche, vénal, félon, pédéraste, mais surtout obsédé sexuel sans distinction de genres. En somme, en pleines guerres révolutionnaires, ce charognard sans vergogne se planque dès qu’il le peut pour baiser, piller la Belgique de ses tableaux de maîtres et organiser un trafic logistique de matériel périmé ou inadapté, au détriment des capacités de conquêtes de l’armée révolutionnaire. Le scénariste Nicolas Juncker brosse le portrait d’un sacré loustic, qui trompe la mort, profite de la guerre et se sort plutôt magnifiquement de toutes les situations. Dans son entourage, évoluent des figures célèbres : Louis-Philippe « Égalité », futur roi Louis-Philippe 1er (mais tout de même victime du priapisme pathologique du dragon Dragon lors d'un moment d'égarement !), Danton présenté comme escroc numéro 2, mais aussi le sulfureux général Dumouriez, tout enorgueilli d’avoir été victorieux à Valmy, sur le point de multi-louper sa carrière. Au cours d’une nouvelle lecture truculente et gaudriolesque de l’Histoire, cette belle brochette de champions passe entre les boulets, fraye avec la gloire et le fric, organise un trafic d’œuvres d’art et nous donne rendez-vous pour un tome 3 sous la bannière napoléonienne. De son style graphique expressif, le belge Simon Spruyt s’amuse visiblement à mettre en scène le pillage de son pays. Des pleines pages régulières dans un style pictural plus sage, proche des gravures d’époques, tirent un bilan visuel marquant des faits notables. C’est fun, à ne pas réserver aux jeunes lecteurs, et vue le joli bordel de la période, historiquement pas si fantaisiste.