L'histoire :
La nuit du 12 octobre 1307, dans la forêt de Chizé, dans le Haut-Poitou, des chevaliers de l'Ordre du Temple patientent en silence. Ils sont préoccupés car ils attendent leur frère Hugues de Châlons. Tous sont en fuite, depuis que Philippe le Bel a décidé de dissoudre l'Ordre, aidé de son conseiller et garde des sceaux Philippe de Nogaret. Les moines qui prirent la Terre Sainte et Jérusalem se savent désormais pourchassés. Le Roi veut les anéantir, ni plus ni moins, et faire main-basse sur leurs richesses, pour rembourser ses dettes... 28 aout 1803, dans la baie de Gibraltar. Le lieutenant Bruce J. Hawker monte à bord du HMS Victory, répondant ainsi à la convocation de l'amiral Nelson. Les deux hommes se connaissent bien. On dit même que le lieutenant a sauvé la vie de Lord Nelson... Quoi qu'il en soit, le jeune officier Hawker va reprendre les commandes du Lark, qui était tombé entre les mains des espagnols. Hawker reprend donc un navire de guerre qui n'est pas en bon état et il est pressé de prendre le large pour rejoindre l'Angleterre. Il est également très loin d'imaginer la suite d'évènements qui vont le mêler à la légende du trésor des Templiers.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quasiment 30 après le dernier album de la série de William Vance, Christophe Bec et Carlos Puerta redonnent vie à un personnage mythique : Bruce J.Hawker, un grand classique du franco-belge, dans le registre des pirates. Avec ce premier volet d'un diptyque, les auteurs font mieux que proposer une suite : ils se sont réappropriés l’histoire du lieutenant de la Royal Navy, dont on dit qu'il était le personnage préféré de son créateur, pour l'ancrer dans un univers violent, teinté de réalité historique, mais aussi de légendes. Bec délivre un scénario classique mais très plaisant, dans lequel il nous embarque dès les premières pages. Dès la première scène, on se laisse porter par le souffle romanesque des dialogues. Les dessins de Carlos Puerta donnent immédiatement corps à la dramaturgie. L'intrigue est lancée et on se demande comment notre héros va pouvoir se retrouver sur la piste du trésor des Templiers ? Cette interprétation de Hawker n'a pas vocation à faire « comme Vance », ce qui permet à Puerta d'amener un second souffle au personnage. La proposition graphique est nouvelle et c'est une claque pour nous. L'auteur espagnol, qui réalise aussi ses couleurs, est au sommet de son art. Quand Puerta nous fait embarquer sur le pont du Lark, on sent le bois craquer et les odeurs de la cale. Quand le vent se lève, on sent les embruns venir nous fouetter le visage. Quand on regarde la mer que Puerta dessine, on entend les voiles claquer et les déferlantes s'écraser sur le pont. Et quand il met en scène la bataille navale et la tempête qui animent la première moitié de l'album, c'est la poudre et l'odeur de l'océan et du sang mélangés qu'il transporte dans ses pages. Les types qui passent par dessus bord, on les entend hurler dans leur chute, la voix vite perdue dans le fracas de l'océan... Pour un peu, il faudrait avoir le pied marin pour s'accrocher dans la tempête que le maestro dessine ! Puerta embarque l'œil mais il touche l'âme, avec son style qui évoque la peinture. Ses cadrages sont comme un chemin qu'il ouvre à la rétine. Ses décors, la précision des dessins des navires également, ses portraits, confèrent à l'ensemble une touche de magie qui porte véritablement le livre. Alors embarquez, et cap tout droit sur L’œil du marais !
