L'histoire :
Au printemps 45, le petit Oken vit avec ses parents et la petite sœur nouvelle-née dans un pays sous domination japonaise depuis 50 ans. Les Etats-Unis lancent des raids aériens massifs sur sa ville natale, Hualein, située sur la côte est de Taïwan. Les habitants doivent quitter la ville. L’enfant traverse des grandes rizières en train pour se rapprocher des montagnes. La fin du trajet, à pied, les emmène tous les quatre dans un petit village entouré de collines. Oken découvre les joies de la campagne, les vaches, le parfum intriguant des collines, les paysans multicolores. La brume colorée qui tombe régulièrement enveloppe les gens et les maisons. Oken s’y sent bien, il la trouve belle et accueillante. A la fin de la guerre, la famille retourne en ville, mais Oken passe souvent du temps seul, dans les collines, près des étangs, à écrire et regarder les beautés de la nature. Il contemple les nuages et s’émerveille devant la grâce et la fragilité d’une araignée d’eau. Mais la dureté va le rattraper et l’ouvrir à d’autres horizons…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Oken est une adaptation d’un classique de la littérature taïwanaise, Mountain Wind and Ocean Rain, l’autobiographie de Yang Mu, grand poète taïwanais. Le titre fait référence au mont Qilai, 3605m, et à la mer des Philippines qui borde la ville de Hualein où est né le poète. Son surnom d’enfance, « Oken », a été choisi pour illustrer le travail remarquable de Shih-Hung Wu, mais il avait été lauréat du prix Raymond Leblanc de la jeune création en 2021, sous le titre original traduit en français, Vents de Montagne, pluies d’océan. La narration est parfaitement maîtrisée avec le choix d’utiliser certains récitatifs directement traduits de l’original, mais aussi beaucoup de planches muettes qui donnent une vraie profondeur au récit. L’équilibre entre l’écrit et le dessiné fait que lecteur est embarqué dans un voyage poétique entre la vie réelle, ses beautés et ses horreurs, et les saillies oniriques d’un enfant, puis d’un jeune homme touché par la grâce. Le voyage dans lequel Wu nous embarque est magnifique, grâce notamment à un découpage excellent. L’illustrateur de 38 ans, qui vient de l’animation, montre une réelle capacité à aboutir un séquençage efficace et qui soutient parfaitement la narration. Certaines cases sont magnifiques de calme et de sérénité, d’autres violentes et torturées comme les épiphanies qui émaillent l’évolution du poète. C’est une vraie belle réussite, éclairée par les messages de l’auteur et de son éditrice, qui inscrivent ce travail dans une perspective géo-historique intéressante.