L'histoire :
Miguel est livreur dans une usine qui fabrique des bonbons, un boulot qu'il fait avec très peu de sérieux, manquant d'énergie pour réclamer l'argent aux clients. Il rêve de devenir écrivain, une nouvelle publiée dans un magazine lui ayant donné l'espoir de devenir un véritable auteur. Mais il lui est très difficile de se mettre au travail, réservant son enthousiasme à l'idée de faire plaisir à ses enfants avec une nouvelle idée saugrenue. Lorsque sa voiture tombe définitivement en panne et qu'il se fait virer par son boss pour n'avoir pas tenu ses engagements, sa femme Ana lui fait part de son inquiétude. Elle reste pourtant charmée par son humour et son détachement, et tombe des nues lorsqu'il lui annonce son projet pour s'en sortir. Il va aller travailler au pays basque, où l'état fait appel à des privés pour protéger les hommes politiques ou les intellectuels menacés par l'ETA. L'organisation indépendantiste a renoncé à la violence mais n'a pas déposé les armes, et les meurtres continuent. Les txakurras, autrement dit les chiens, comme on les appelle avec mépris, sont les milliers de gardes du corps qui escortent les personnes désignées par le gouvernement dans le moindre de leurs déplacements. Toute la famille déménage bientôt à Pampelune, ou Miguel devenu Mikel va faire la connaissance de sa partenaire Rose. Ensemble, ils vont devoir protéger Tango55, le maire à la retraite d'une petite commune des environs, qui passe sa journée à boire des coups avec son meilleur ami.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mark Bellido décrit avec un vrai souci de vérité cette expérience désabusée d'un homme naïf qui se trouve pris, sans véritablement le réaliser, dans la violence politique du pays basque espagnol. Mikel voit sa naïveté d'origine se transformer petit à petit, constatant les dégâts avec une forme d'insouciance. Le ton général de l'album est plutôt léger et humoristique, l'auteur ne mettant à aucun moment en avant la dimension politique de la question indépendantiste. Il dépeint l'impact de la menace suspendue au dessus de vies banales, saluant en creux le courage d'un maire à la retraite par ailleurs tout à fait quelconque dans son comportement de pilier de bar. Ou décrivant dans le détail les aléas quotidiens des deux gardes du corps qui n'ont plus aucune vie privée. La dessinatrice belge Judith Vanistendael a nettement fait évoluer son style pour ce nouveau travail en BD. Elle alterne la plus grande simplicité pour les scènes de dialogue, et les pleines pages fouillées et délibérément confuses pour décrire à sa manière l'abstraction de la violence. Les deux auteurs conjuguent leurs talents dans ce pavé de plus de 300 pages, qui permet véritablement de construire un univers, un contexte et des lieux qui soutiennent des personnages crédibles. L'équilibre narratif est maintenu d'un bout à l'autre de l'album. Ce récit constitue autant une découverte d'un pan de l'histoire contemporaine, qu'une chronique sensible du chemin personnel d'un homme face à la violence aveugle.