L'histoire :
Fier du parcours politique de son fils, le respecté Jay Sherman est venu assister au meeting qui doit lancer son investiture dans la course à la Maison-Blanche. Mais alors que Robert Sherman sort de scène, il est atteint de trois balles en plein cœur. Le meurtrier – ou presque – est abattu dans sa fuite : il ne parlera pas. Rentré chez lui alors que son fils lutte encore sur la table d’opération entre la vie et la mort, le patriarche reçoit un inquiétant coup de téléphone : « Vous allez tout perdre M. Sherman. Après votre fils, on vous prendra votre fortune et on finira en tuant votre fille (…)». Voilà, en somme, qui a le mérite d’être clair. Ce n’est pas Robert qui était visé, mais bien son père à travers lui. D’ailleurs, le château acquis par ses soins au début de son ascension sociale vole aussi en fumée dans la même nuit. Aucune victime n’est à déplorer, mais le symbole est là. On en veut à sa vie, à sa famille, à tout ce qu’il a construit. Mais qui ? Et surtout pourquoi ? Mis sous protection policière par son vieil ami Mc Everett en charge du FBI, l’enquête démarre péniblement. Afin de trouver des réponses, Jay va devoir replonger dans les tréfonds de son existence, d’une enfance vagabonde et criminelle, à la réussite controversée d’un jeune homme séducteur, rapidement compromis par des agissements coupables à l’aube du IIIème Reich…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici une histoire que Sergio Leone n’aurait pas reniée et qui aurait pu s’intituler « Il était une fois en Amérique ». Alors que triomphe en 2011-12 la série de Fabien Nury et Sylvain Vallée Il était une fois en France, Stéphane Desberg et Griffo se lancent dans une aventure comparable de six tomes, mais sortie en un peu plus d’un an seulement. Un vrai tour de force ! Bâti comme sa devancière sur la stature d’un homme supposé incarner tout un pan de l’Histoire (ici, américaine), Sherman a pour elle la densité de son scénario et le rythme imprégné tout au long de la lecture. Cependant, si un diable de suspens est préservé jusqu’à la fin, on regrettera quelques raccourcis et redondances, témoignages sans doute de la brièveté dans laquelle a été menée son édition. Personnage clé de l’intrigue, Jay Sherman n’est pas à proprement parler un héros. Bien sûr, il a réussi, mais le jeune immigré vagabond, devenu un patriarche richissime respecté, paraît souvent subir plutôt que choisir, voire dominer son destin. Prisonnier d’une promesse faite à un père méconnu, esclave de ses penchants séducteurs, plus opportuniste que vraiment brillant, non, vraiment, paradoxalement, il semble manquer de charisme. Et ce sont les événements qui s’enchaînent autour de lui, redoublés par les flashbacks narratifs incessants privilégiés par les auteurs, qui font le réel sel du titre. Le risque était grand de perdre le lecteur ou même de se prendre le pied dans le tapis. Là est sans doute le génie récompensé par un prix du meilleur polar au festival de Cognac 2011. Plus qu’un énième thriller à l’ombre de l’horreur nazie, Sherman se révèle une série grand public de grande qualité, qu’il est aujourd’hui possible de savourer d’une traite, comme elle a sans doute été conçue !