L'histoire :
Vers la seconde moitié du XIXème siècle, un cow-boy solitaire arrive aux abords d'une ferme isolée du Wyoming. En contre-jour, il surprend un gamin, Jim, alors qu'il joue avec un pistolet en bois. L'homme s'appelle Sykes et ne veut que de l'eau. La mère de Jim, méfiante, le tient en joue avec son fusil et ne le laisse d'ailleurs pas s'éterniser. Les yeux de Jim regardent Sykes avec émerveillement, comme un héros des illustrés Dime Novels qui commencent à circuler. Sykes rejoint la ville la plus proche, où il est bien accueilli par le shérif. Sykes est en effet une fine gâchette qui met ses talents au service de la justice : il voue sa vie à traquer et éradiquer les criminels. Après un passage obligé par le saloon, où il parvient à gérer une provocation sans sortir ses flingues, Sykes passe la nuit a l'hôtel. Il attend son partenaire O'Malley, auquel il a donné rendez-vous le lendemain matin. Au petit jour, ce dernier arrive in extremis pour éviter une seconde fois à Sykes de sortir ses flingues. Il descend le provocateur en pleine rue, d'un coup de fusil. C'est alors que débarque le petit Jim, épuisé et paniqué après une nuit de fuite : une bande de cinq hommes, des soudards, viennent de violer et tuer sa mère. Sykes et O'Malley se mettent aussitôt en chasse. Pour cela, ils requièrent les services de l'ermite pisteur Renard Gris, reconverti en éleveur de poulets. L'indien a beau avoir raccroché, il accepte de débusquer cette énième proie pour Sykes, au tarif de deux poulaillers...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre-patronyme claque comme un coup de feu. La couverture présente en premier plan un héros charismatique et annonce la couleur avec ses teintes de fond sanguines. Sykes est en effet un justicier flingueur dans l'ouest sauvage, du genre calme et clairvoyant en toutes circonstances. Il ne craint pas grand-chose et trimballe une blessure psychologique mystérieuse. Un traumatisme suffisamment fort (dévoilé en fin d'album) pour l'amener à respecter des principes vertueux qui tranchent avec les mœurs de l'époque. Pour son premier western, le scénariste Pierre Dubois satisfait aux fondamentaux du genre. La traque tendue et musclée qui façonne l'intrigue principale de son one-shot satisfera pleinement un large public, mais s'accompagne aussi d'un propos de fond qui fait sens. « À force de tuer des gens, on finit par se tuer soi-même. » Soit une relecture de l'idiome « la violence engendre la violence », pour lequel la densité du récit (en 75 planches) permet un développement en profondeur. Le débat sur le port des armes à feu aux USA est idéalement relancé, la démonstration prend racine dans l'édification même de la nation. En prime, Dubois replace idéalement l'intrigue dans l'Histoire, et en mâtine le dénouement de tragédie grecque. Or pour illustrer ce petit bijou de scénario, le dessin encré de Dimitri Armand se montre virtuose. Les gueules burinées des protagonistes, les chevauchées sauvages, les paysages magnifiques et panoramiques contrastés par le soleil (merci la colorisation de Sébastien Gérard, une fois encore), les saloons animés par une clientèle interlope, les fusillades sanglantes et saisissantes, les séquences lugubres à la frontière de l'ésotérique : tout concorde pour faire de ce western l'un des tous meilleurs qu'on ait pu lire en BD.