L'histoire :
Le lundi 2 avril 2007, dans un quartier résidentiel de la capitale chinoise, une équipe de police examine le corps du professeur X à son domicile. Cet éminent physicien s'est suicidé en ingérant du cyanure... et ce n'est pas le premier. Il semble qu'une épidémie de suicides touche la communauté scientifique ! C'est déjà le 13ème en à peine un mois. Le centre d'opérations militaires est même présent, qui tente de prendre la main sur l'enquête. Mais le commissaire Shi Qiang s'y oppose fermement, conformément à sa réputation de flic teigneux et obtus. Les médias relaient l'info et le témoignage d'un autre éminent scientifique, une sorte de gourou, le professeur Pan Han. Ce dernier prophétise en effet la mort de la science ! Selon lui, la technologie est un virus des sociétés humaines, qui a pour conséquence ultime la destruction de tous les organismes de la planète. Les scientifiques ont compris cela avant tout le monde et ils se suicident pour expier leur vanité d'avoir apporté cette connaissance destructrice à l'humanité. Le commissaire Shi débute son enquête chez le professeur Wang Mio, spécialiste en nanomatériaux, mais aussi passionné de photographie argentique (à l'ancienne, avec des pellicules et des développements en chambre noire). Wang est en effet le compagnon d'une autre scientifique à la réputation sulfureuse et à la tête de la Société des Frontières de la Science...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le romancier chinois Liu Cixin a la côte en matière d'adaptations ! En marge de la collection que lui dédient les éditions Delcourt, avec déjà 15 nouvelles de SF jubilatoire en autant d'albums, voilà son roman phare adapté en 5 volumes par Le Rayon imaginaire. Notons que ce Problème à trois corps est l'œuvre qui lui permit de remporter le prix Hugo en 2015 ; et que son adaptation en série TV sur Netflix est parallèlement en train de créer une polémique en Chine, pour excès d'américanisation. Mais revenons à cette version séquentielle de papier, réalisée par des artistes chinois et supervisée par le romancier himself. Le ton du thriller scientifique est donné d'emblée, avec les mystérieux suicides en série d'éminents savants. Puis on côtoie assez vite ce qui fait la force de l'écrivain : les questions existentielles, voire métaphysiques, qui virent au philosophique. Extraits : la science est-elle une « norme » terrestre ? Est-on arrivé au degré maximum de savoir ? Entraîne t-elle l'humanité à sa perte ou permettra t-elle de la sauver ? Une sorte de secte en saurait visiblement plus... Mais le savant qui pousse les investigations subit un affolant trouble pelliculaire puis oculaire, sous la forme d'un compte-à-rebours... Les derniers chapitres de ce premier tome nous éloignent étrangement de ce premier sujet, avec une longue immersion dans un monde virtuel de fantasy crépusculaire où se pose le fameux Problème à trois corps... mais il est encore trop tôt pour avoir tout pigé sur ce plan. En revanche, ce qui est certain, c'est que l'équipe d'artistes en charge du découpage est loin d'être arrivé au maximum de sa science séquentielle. Les cadrages sont régulièrement improbables, le style graphique d'inspiration manga réaliste n'a aucune âme, les personnages semblent surjouer leurs rôles, la colorisation est floue et terriblement sombre, le rythme est poussif et l'adaptation souffre de tragiques erreurs (il n'existe pas de prix Nobel de mathématiques, un tour sur Wikipedia vous expliquera pourquoi avec truculence...). Bref, cette œuvre majeure de SF eut mérité mieux que cette adaptation chinoise.
