L'histoire :
Une route rectiligne semblant infinie traverse le cours d’eau et les landes de terre. Le temps est à l’orage et un éclair illumine sporadiquement le ciel. Une feuille portée par le vent fort s’envole et virevolte au-dessus de l’eau. Une petite fille se balance assise sur une balançoire. Son visage est triste et son regard parait fixer l’horizon jusqu’à être vide. Fixée sur un arbre dénudé de feuille et semblant mort, la balançoire s’arrête et la petite fille descend, le regard toujours aussi terrifiant. Croisant sur sa route un chat noir, elle rejoint le groupe d’enfants au visage triste. La route mène tout droit à un bâtiment imposant, symétrique, d’une architecture quelconque. C’est l’orphelinat d’Imatsu et la petite fille se prénomme Ulrica. Elle se pose sur un banc, le regard toujours aussi vide, jusqu’à ce que la pluie touche ses cheveux. En rentrant se mettre à l’abri, elle reste immobile devant une flaque d’eau qui, comme un miroir, renvoie son visage. Puis les gouttes frappent la flaque d’eau et fait disparaître son visage dans une multitude de petits tourbillons. Ulrica est une petite fille désorientée à la recherche de son identité. A Imatsu, les enfants sont abandonnés par leurs parents à cause de leur déficience physique ou mentale et sont livrés à eux-mêmes dans leurs troubles.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions du Tripode ont le chic pour nous proposer des albums qui sortent des sentiers battus. Comme La Mère et la Mort / Le Départ, Imatsu en est encore une fois un bel exemple. Le scénariste et dessinateur Jérémie Horviller nous livre ici un album centré sur l’image, avec en tout et pour tout quatre lignes de texte pour situer son récit. Le reste des 94 pages de l’album sont une succession de cases dessinées en noir et blanc sans aucune aide typographique ou hiéroglyphique. Ce procédé un peu déstabilisant, à l’image de la perte d’un des sens, est compensé par la recherche d’informations et de signes à travers les cases. Le lecteur peu préparé aux codes de la psychologie ou de la psychanalyse sera très certainement perdu. Il aurait été intéressant et surtout utile d’ajouter une page ou deux de texte avant le roman graphique pour donner les clefs des symboles psychologiques rencontrés durant le récit. Comme par exemple le tourbillon et le labyrinthe, qui évoquent la désorientation, ou encore la forêt qui représente un lieu de perdition ; et pour finir, cette liste non exhaustive, le miroir qui renvoie à l’identité. L’absence de ces codes rend l’accès au livre difficile, car sans aucune mention de l’auteur, le lecteur est « lâché » dans un récit que seul son propre ressenti ou son expérience peut l'aider à comprendre. Ainsi, ce dernier peut passer à côté du message principal ou carrément mal l’interpréter, à l’instar des cessions du feu « Zapping » de Canal+. Ainsi, même si ce roman graphique est intéressant dans le sens où il permet de se poser des questions sur l’interprétation des signes psychologiques, il perd malheureusement en lisibilité. Sans aide, il ne sera destiné qu’à une frange très restreinte de lecteurs de BD.