L'histoire :
Le 31 décembre 2019, Chapatte réveillonne avec des amis autour de plusieurs appareils à raclette. Ce même jour, une insignifiante dépêche AFP venant de la ville chinoise de Wuhan alerte sur l’apparition sur un marché local d’une pneumonie virale inconnue. Les cas de contamination constatés sont sérieux, mais on ignore encore l’extrême viralité inter-humaine. Un mois plus tard, l’Italie annonce deux cas et suspend ses vols depuis la Chine. 23 jours plus tard, il y a deux morts en Italie et le carnaval de Venise est suspendu. Les premiers malades français sont déclarés le 24 février. En Suisse, les rassemblements de plus de 1000 personnes sont interdits ; en France la limite est poussée à 5000. Début mars, Chapatte part se mettre au vert à la montagne. Il reçoit alors un coup de fil de son ami Didier Pitet, médecin-chef en charge du contrôle de l’infection à l’hôpital de Genève. Celui-ci est particulièrement alarmant, car il reçoit des nouvelles affolantes de la part de ses confrères italiens. Les détresses respiratoires y sont sévères, les médecins sont obligés de faire des choix car ils ne peuvent pas soigner tout le monde… Le fléau a toutes les chances de traverser la frontière et de faire les mêmes dégâts dans les pays voisins. Chapatte débute un journal dessiné en BD sur le sujet. Pitet, lui, inventera une solution pour fabriquer du gel hydro-alcoolique désinfectant, une recette qu’il offrira au monde…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On croise plus volontiers la griffe du dessinateur suisse Chapatte dans les quotidiens Le Temps (suisse), le New York Times (américain), Der Spiegel (allemand) ou le Canard enchainé (français). Son talent pour mettre un doigt universel là où ça fait mal, avec talent et humour, lui vaut une notoriété durable et mérité. Pour autant, Au cœur de la vague est l’une des première fois où il se livre à une forme de reportage BD complet et sérieux, en allant au fond d’un sujet sans chercher à le singer. La crise du coronavirus semble l’avoir profondément secoué, notamment grâce à sa proximité / son amitié avec le professeur suisse Didier Pitet (inventeur et donateur d’une solution simple de gel hydro-alcoolique). Dès les premiers jours d’inquiétude, Chapatte s’est en effet mis à tenir un journal de l’épidémie, en prenant notamment le prisme du monde médical. Cette BD-reportage est l’extension de ce journal sous forme dessinée, sur près de 120 pages. Heureusement, pour soulager un sujet de fond particulièrement pesant, Chapatte ajoute régulièrement des respirations cyniques et humoristiques de ses dessins de presse parus dans divers médias, faisant échos aux différentes étapes du fléau. Il y a une double limite à cet exercice. Primo, le propos est amené telle une somme terminée. A la fin du bouquin, la pandémie est ainsi présentée comme de l’histoire ancienne, alors qu’au moment de sa sortie, une seconde vague épidémique oblige de fermer précisément les librairies ! Sans oublier que d’autres vagues de propagations sont encore possibles, tant qu’une immunité vaccinale ou naturelle, massive et durable, ne sera pas atteinte. Deuxio, quiconque a subi un confinement (c’est-à-dire à peu près tout le monde sauf les martiens et les américains) a largement eu l’opportunité de s’informer et de saturer sur le sujet. Hormis les témoignages bien légitimes du monde médical en alerte maximale, on n’apprend donc pas grand-chose. Sans doute, avec le recul, ce reportage BD sera-t-il le reflet instructif d’une époque, sans doute plus parce qu’il transmet l’angoisse d’un moment, qu’il ne vulgarise les mécanismes viraux et les débats scientifiques.