L'histoire :
Alan Turing, l’anglais devenu célèbre pour avoir décrypté la machine Enigma et inventé les fondamentaux de l’informatique, nous propose d’être notre guide à la découverte du « transhumanisme ». L’intérêt pour cette science visant à améliorer l’homme jusqu’à, peut-être, le rendre immortel, a débuté au second siècle de notre ère. A cette époque, où l’empire romain est à son apogée, un prêtre romain d’origine égyptienne fonde une nouvelle doctrine : le gnosticisme. Ce mouvement considère le Nouveau Testament comme incomplet. Il existerait dès lors une connaissance secrète qui permettrait d’assurer le salut des hommes et de dépasser leur corps imparfait. Et la voie pour y parvenir, consiste à se détacher du monde physique imparfait lors de sa vie terrestre. Il faut s’évader de nos prisons de chair, afin de soutenir la survivance de l’âme. L’une des solutions préconisées par les gnostiques, est de s’affranchir de la morale et des lois, notamment en matière familiale et sexuelle… Dans ces conditions, les adeptes sont rapidement et logiquement qualifiés d’hérétiques par l’Eglise chrétienne ! Quoi qu’il en soit, la gnose est le premier système de pensée qui cherche à dépasser la condition humaine et à faire de l’immortalité un but à atteindre en ce monde…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici une nouvelle « Incroyable histoire de… » venue des Arènes, c’est-à-dire une rétrospective chronologique en bandes dessinées sur un sujet donné, comme l’éditeur le propose régulièrement. Et quelle Histoire ! Après la médecine, le sexe, le vin et la Vème république, Benoist Simmat nous propose carrément celle de l’immortalité, pour les dessins rapides et d’obédience humoristiques de Philippe Bercovici. Ne fantasmez pas (encore), il ne s’agit pas d’un mode d’emploi pour parvenir à l’immortalité (si vous le trouvez, pensez à nous !). Mais bel et bien des origines d’une utopie et des découvertes successives pour y parvenir… peut-être. Le personnage transversal qui guidera notre aventure se nomme Alan Turing. Cela fait sens, puisque son invention de l’informatique est aujourd’hui le domaine le plus à-même de s’assimiler à l’être humain, via l’intelligence artificielle ou l’interface augmentée, et donc à le transcender. A travers Turing, Simmat commence évidemment son Histoire par les premiers désirs de transhumanisme, qu’il définit au premier siècle après JC, chez les gnostiques, jusqu’aux alchimistes. Les chapitres suivants nous intéressent aux fantasmes de l’homme-machine (les automates et les premières machines à calculer). Puis l’eugénisme ambitionna d’améliorer l’homme (de Darwin à Theillard de Chardin), ce qui aboutit à bien des dérives (les expériences de Mengele). Un quatrième chapitre s’intéresse enfin au prodigieux outil informatique. Dès lors, et avec l’avènement du web, peut naître officiellement le mouvement transhumanisme (cryogénisation, cybernétique, optimisation de la civilisation humaine, mouvement « Extropien »). Le 6ème chapitre résume le passage de la théorie à la pratique, notamment lorsque Ray Kurzweil met en convergence les recherches autour des nanotechnologies, de la génétique, des sciences cognitives et du bigdata, pour parvenir au concept ultime de « singularité technologique » (la fusion organique/technologique). Le transhumanisme se concrétise dans différentes universités, surtout anglosaxonnes… et convainc ensuite les dirigeants des Gafam de mettre leurs ressources dans cette incroyable ambition. Enfin, naturellement, ces promesses de vie éternelle et de paradis terrestre aboutissent à assimiler le transhumanisme à une religion, finalement assez proche du catéchisme chrétien. Nous en sommes là : face à une promesse qui se concrétise chaque jour un peu plus, avec des échéances promises pour les années 2040, 2050… Mais une promesse d’une nouvelle ère pour l’humanité ou au contraire de sa perte (comme l’a prophétisé Stephen Hawking) ? En lisant cette synthèse très complète, vous vous ferez assurément votre idée.
