L'histoire :
Le 29 avril 2016, la police allemande arrête Bilal Chatra à Aix-la-Chapelle, accusé de vol avec violence. Quelques jours plus tard, les enquêteurs font le lien entre cet homme et les attentats parisiens du 13 novembre 2015. Vraisemblablement, Chatra serait un complice d’Abdelhamid Abaaoud, il aurait organisé le passage des terroristes depuis la Syrie vers l’Europe occidentale. Interrogé par un juge, Chatra se met à table et raconte son propre parcours, depuis les camps turcs de réfugiés. Il raconte sa rencontre avec Abaaoud à Edirne. A l’époque, en octobre 2014, Chatra n’avait pourtant rien à faire de la religion, il n’avait jamais « calculé » l’état islamique. Sous ses allures de type cool, Abaaoud était un redoutable manipulateur, qui l’avait alors patiemment manipulé pour lui faire accepter l’idéologie de Daech. Il devait appliquer Al-wala wal-bara, c’est-à-dire l’alliance et le désaveu. Chatra devait son soutien exclusivement aux musulmans et rompre avec les infidèles. Il devait accepter de devenir l’esclave d’Allah et rejoindre le djihad, pour permettre à un projet concret de Califat de se réaliser, basé sur la charia. Cela faisait 90 ans que tous les pays musulmans étaient dirigés par des tyrans, il était temps de remédier à cette humiliation…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme l’indique la baseline, La cellule est une enquête on ne peut plus rigoureuse sur le parcours et les motivations des terroristes qui ont commis les attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan et sur les terrasses parisiennes. Une enquête qui fait écho au procès exceptionnel qui est en cours en cet automne 2021 et qui va durer plusieurs semaines au Palais de Justice, pour juger les responsables et complices de ces exactions innommables. Une enquête qui fait froid dans le dos, tant elle s’efforce de nous immerger à la place des islamistes fous, dans leur cheminement « intellectuel » et géographique, dans leur casus belli aussi primaire que déstabilisant. Le journaliste Soren Seelow (Le monde) et Kevin Jackson (directeur d’études au centre d’analyse du terrorisme) se livrent ici à un exercice aussi approfondi que fastidieux. Et pourtant, les 240 pages de cet album ne sont rien comparées aux 472 tonnes de documents réunies pour le procès actuel. Il vous faudra tout de même un gros budget temps pour parcourir du début à la fin le résultat de ces investigations extrêmement documentées. La lecture est souvent itérative, voire accablante… Mais elle sait se révéler aussi très explicite lorsqu’elle décrypte le choix des cibles ou le processus d’embrigadement fanatique. La « partition graphique » monochromique, plus que le dessin, est confiée à Nicolas Otero qui bidouille, photoshopise et duplique parfois à des centaines de reprises, avec des traitements différents, les photos des lieux et des acteurs de ce cataclysme humain authentique. La décence et la Mémoire interdisent évidemment de mettre en scène la reconstitution des attentats. Le récit s’intéresse à l’avant et à l’après, montrant alternativement l’immersion aux côtés des terroristes, et les représentant de l’autorité publique, enquêteurs, procureurs et politiques. Un ouvrage à réserver toutefois à un public averti.