L'histoire :
Un journaliste a rendez-vous avec deux universitaires français dans un café parisien du XXème arrondissement, avec pour objectif de retracer l’histoire de la mondialisation en BD. Se demandant comment procéder, ils commencent par décrire leur perception personnelle sur le sujet, conduisant rapidement les deux économistes à faire étalage de chiffres et de schémas théoriques sur la place actuelle de la France et des français dans le grand cirque économique mondial. Arrive alors la nécessité de reprendre le fil chronologique pour décrire l’histoire de la mondialisation, présentée selon deux saisons discontinues : du milieu du XIXème siècle à la première guerre mondiale, puis des années 1960 à nos jours. On y redécouvre notamment le rôle primordial joué par certains de nos compatriotes dans la financiarisation du monde et la construction européenne. Dans une troisième et dernière partie, les auteurs tentent de dresser un bilan de différents aspects de la mondialisation sur les populations et d’explorer quelques pistes d’adaptation dans un cadre néanmoins très restreint.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les auteurs s’attaquent ici courageusement et honnêtement à un sujet aussi complexe qu’essentiel en donnant la parole à deux économistes dont les oppositions indirectes (et très feutrées) laissent parfois penser aux débats matinaux entre le regretté Bernard Maris, ou aujourd’hui le truculent Thomas Piketty et l’impérissable Dominique Seux. Cette juxtaposition de deux visions vulgarisées de la mondialisation offre aux lecteurs une synthèse certainement très utile, voire indispensable, de grands principes socio-économiques et de leurs origines, tels qu’inculqués aujourd’hui dans l’enseignement supérieur. On peut néanmoins regretter la faible place laissée aux diverses politiques publiques menées successivement de part et d’autre de l’Atlantique entre les années 20 et les années 60, les différentes réactions qu’elles ont suscitées dans les milieux universitaires et/ou dans le monde de la finance, et en quoi cette mise en pause de la mondialisation peut également nous éclairer sur la situation actuelle et ses possibles évolutions. L’extrême dépendance de l’ensemble du système à l’accès à des ressources énergétiques toujours plus grandes est sans doute aussi évacué un petit peu rapidement. Alternant entre la représentation des auteurs en train d’échanger entre eux, celles des personnes ou phénomènes mentionnées dans leurs explications, et des illustrations schématiques parfois didactiques, parfois symboliques, le dessin d’Enzo sert efficacement le discours. Il semble également permettre au journaliste de laisser cours à sa propre version des choses, ici et là, de manière complémentaire aux propos d’Isabelle Bensidoun et de Sébastien Jean. La dernière page apparait alors comme un cri du cœur, appelant à une prise de conscience que le monde d’après ne peut émerger de l’agitation immobile des populations et de ceux qui sont sensés les représenter.
