L'histoire :
Le 13 juin 1907, un groupe de Bolcheviks fomente une action spectaculaire sur la place de la liberté de Tiflis (actuelle Tbilissi en Géorgie). Tapi sur un toit, Iossif Djougachvili, futur Staline, surnommé « Sosso » par ses camarades révolutionnaires, attend sagement le moment propice pour balancer des bâtons de dynamite. Au sol, l’arrivé de la malle-poste donne le coup d’envoi à Kamo, l’organisateur d’un hold-up véritablement sanglant. Ça explose de partout, le chaos et la mort touchent de nombreux civils… A la baïonnette ou au révolver, les bolcheviks assassinent tous ceux qui leur font obstacle. Au final, ils s’emparent d’un véritable trésor de guerre pour alimenter leur révolution. A Moscou, en 1931, Staline erre dans les couloirs du Kremlin en se souvenant de ce genre d’épisode. Il tombe alors sur un petit fonctionnaire qui fait des heures sup’. Il décide de l’utiliser immédiatement comme rédacteur de ses mémoires. Une perle de sueur sur le front, le pauvre Nikolaï accepte sous la contrainte. Staline commence par son enfance. A sa naissance en 1878, il est le troisième fils, mais le seul survivant, de « Keke » et de Besso, simple cordonnier à Baramov, enclin à l’alcoolisme. Régulièrement battu par son père, Sosso attrape la variole en 1884. Sa mère le fait entrer à l’école paroissiale, alors que son père veut le former au métier de cordonnier. Il est renversé par une calèche en 1888, mais il s’en sort boiteux. Il est bagarreur et indiscipliné…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après s’être intéressé aux derniers jours de Staline (La mort de Staline), le neuvième art se penche aujourd’hui sur son enfance, ou du moins sur les années qui ont précédé et qui expliquent son accession au pouvoir, pour l’un des pires régimes dictatoriaux de tous les temps. L’album scénarisé par Arnaud Delalande et Hubert Prolongeau débute par une séquence spectaculaire de 13 pages, presque entièrement muette : le hold-up de Tiflis en 1907, qui permit à Staline et Kamo de s’emparer d’un véritable pactole pour financer la révolution bolchevik. La suite se fait plus disserte et classique. Prétextant la dictée des mémoires de Staline auprès d’un petit fonctionnaire du Kremlin, la narration s’emploie à l’exercice de la biographie chronologique. Cela débute par la naissance, puis l’enfance violente et accidentogène (l’inévitable circonstance atténuante). Puis viennent les années de pensionnat chez les curés, qui façonnent en réaction un tempérament radical et psychopathe, mais instruit (il est poète à ses heures…). Staline, Alias « Sosso » révèle progressivement sa hargne, sa colère, son engagement autour d'un idéal communiste pour sa nation, qui passe dans son équation intime par l’écrasement des faibles. Les scénaristes semblent bien documentés (à en croire la bibliographie en préface), la part de romance nécessaire apparaît donc très faible. Le monstre se dessine progressivement, sans que le parti-pris scénaristique n’ait besoin de se montrer particulièrement à charge. Le dessin réaliste d’Eric Libergé, qui ne s’interdit pas des bidouilles Photoshop® et l’intégration de photos retouchées en guise de décors, s’accompagne d’une colorisation volontairement sombre et terne, dans les tons ocre, gris et… rouges (ah tiens ?). Ambiance austère maximale et froideur des personnages parfois figés permettent d’éviter tout attachement au personnage… et c’est très bien ainsi !