L'histoire :
En octobre 1933, le reporter Xavier de Hauteclocque se rend dans le bureau du rédac chef de Gringoire, un hebdomadaire politique et littéraire parisien. Ce dernier lui soumet de repartir en Allemagne, un pays que le journaliste connait bien, afin d’y faire une nouvelle enquête de société. L’arrivée d’Hitler au poste de chancelier s’est en effet accompagnée d’une direction sociale inquiétante. Notamment le pays se réarme, comme preuve d’un puissant parfum de revanche. Lors de ses précédents voyages, de Hauteclocque a pris la mesure du réveil du colosse germanique. Il a déjà souligné l’abnégation de ce peuple, sa capacité à être rigoureux dans le patriotisme, quitte à accepter le racisme, la traque de la pensée. Quelques jours plus tard, le reporter est dans le train, à destination de la Friedrichstrasse berlinoise. Dès le quai de la gare, il assiste à un discours de propagande enflammée de la part d’un Schar (chef de cellule nazie). Il se fait conduire en taxi à son hôtel puis part faire un tour en ville, pour prendre la « température ». Il s’étonne de ne plus voir ni prostituées, ni mendiants. Il s’étonne que les troquets soient désormais si vides la nuit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au départ, La tragédie brune est un livre-reportage écrit en 1934 par Xavier de Hauteclocque (cousin germain du fameux général Leclerc), relatant ses investigations sociales outre-Rhin, durant la montée en puissance de l’Allemagne nazie. La dénonciation des dangers du national-socialisme lui vaudra d’être empoisonné mortellement l’année suivante. Le texte complet est aujourd’hui réédité en livre numérique par les Arènes, qui en dévoilent d’ailleurs la première partie en annexe de cette adaptation BD scénarisée par Thomas Cadène. Le scénariste n’a pas trop à forcer son talent pour ce travail séquentiel, le texte original étant descriptif et précis. Le gros de l’immersion réussie dans cette époque est essentiellement dû au dessin de Christophe Gaultier, qui ne ménage pas ses efforts pour retranscrire la déco, l’urbanisme, et les costumes germaniques, via une griffe aboutie et cohérente, qui sait osciller entre le semi-réalisme et le caricatural, selon les besoins. Cette plongée historique et sociale, quasi mémorielle, s’avère ainsi hautement instructive et donne des sueurs froides, au regard de la remontée actuelle des populismes en Europe. On redécouvre, toujours avec un fond de nausée, les méthodes qui ont permis à Hitler de faire prendre aux mentalités de son pays un virage aussi hallucinant que rapide (harcèlement et traque des juifs, internement des opposants politiques dans des camps, jeunesses hitlériennes). Un rappel historique essentiel…