L'histoire :
Fin août 1572, les principaux chefs protestants ont été invités à Paris pour le mariage entre Henri de Navarre, protestant, et Marguerite de Valois, catholique. Hélas, il s’agissait d’un incroyable guet-apens. La tentative d’assassinat sur l’amiral de Coligny crispe la haine entre les deux « clans ». Le 24 août, jour de la Saint-Barthélemy, exaspéré par ces tensions incessantes, le roi Charles IX ordonne le massacre des chefs protestants. Le duc de Guise prend la tête des raids, tandis que la population parisienne farouchement anti-huguenote lui emboîte le pas, pour un massacre généralisé impossible à endiguer. Le jeune mais expérimenté Elie de Sauveterre, lui-même protestant et fidèle à Henri de Navarre (futur Henri IV), prend ainsi mille risques pour traverser une ville de Paris ensanglantée, afin de prévenir le gros des huguenots restés dans le quartier Saint Germain. Puis, il tente de revenir dans l’autre sens afin de protéger son roi, au palais du Louvres. Il abandonne sa tenue noire qui le désigne comme une cible évidente, pour enfiler une tenue plus « catholique ». Mais tandis qu’il fraye sa route entre les combats et les cadavres, il aperçoit Clément, jadis son frère, qu’il a cherché 10 années durant, aujourd’hui parmi les plus exaltés des papistes sanguinaires. Il espère pouvoir lui parler, lui expliquer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Par son caractère social imprévisible et ultimement tragique, le massacre de la Saint-Barthélemy fait partie de ces faits historiques fondateurs de l’identité française. Aujourd’hui, plus de quatre siècles et demi plus tard, les postures religieuses reviennent encore ponctuellement polluer les débats, crispant notre civilisation (en théorie) laïque. La tolérance voltairienne demeure-t-elle une utopie ? A travers cette BD, le scénariste Pierre Boisserie a l’ambition de nous immerger vraisemblablement au cœur du massacre. Son héros (fictif), le huguenot Elie se Sauveterre, doit traverser Paris ensanglantée pour accomplir différents desseins. En marge d’être un biais romancé judicieux au service d’un propos didactique, sa quête familiale et personnelle est shakespearienne : il va au-devant d’une confrontation avec son frère et sa sœur servant farouchement la cause papiste. A sa suite, l’on passe de scènes de meurtres abominables commises par le bas-peuple parisien, aux manigances à la tête de l’état. A ce niveau, les protagonistes sont, côté papiste sanguinaire : l’intransigeant duc de Guise, l’infâme duc d’Anjou, la perfide Marie de Médicis, le déboussolé roi Charles IX ; et du côté des « gentils » protestants : le héros Elie, au service du futur roi Henri IV, ce dernier se montrant quelque peu éperdu, mais finalement peu présent dans cet opus. Dans les sphères du pouvoir, le scénario se montre donc hautement manichéen – mais étant donné la gravité du moment et le sens unique des exactions, sans doute était-il difficile de faire autrement. Le dessin d’Eric Stalner continue quant à lui dans la même veine réaliste d’excellence que précédemment : furieux, cyniques ou épouvantés, dans tous les cas expressifs, les personnages en costumes peuplent une capitale de la Renaissance richement décorée sur le plan architectural, social et urbain. La haute teneur en hémoglobine réserve aussi la lecture à un public averti.