L'histoire :
Une étrange créature ailée, composée d’une nef antique en pierre à la place de la tête, d’un corps d’oiseau et d’une longue queue de dragon est en train d’apparaître au monde, à travers l’éther. Cet être est pur et enfin libre de son nouveau moi. Au bout de son « bec » – c’est-à-dire une colonne antique à l’horizontal – une autre créature toute aussi étrange est assise. Muni d’une cage à oiseau en guise de tête, avec une boule noire qui flotte à l’intérieur, cet humanoïde en T-shirt rayé et chaussettes regarde les cieux et se perd dans ses pensées. Il ne sait pas trop si le destin qu’il suit est le bon, ni si son cheminement aura une finalité… Il se souvient que son hôte volant provient de la cité de Violenzo. Cette cité flottait dans le cosmos sur un bloc de roche, autour duquel des astéroïdes tournaient en orbite. Au milieu du rocher, il y avait un abîme et la nef se trouvait en son bord. Un peu à l’écart, il y avait l’unique arbre vivant de la création, un arbre dont la forme faisait penser à une tête d’homme barbu. Et souvent, tapis à l’intérieur de l’arbre, il y avait un enfant, qui jouait avec le feuillage et les papillons. Cet enfant s’y cachait lorsque les envahisseurs sortaient par le tunnel, afin de condamner l’habitant qui avait eu la malchance d’être capturé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rarement un gap a été aussi large entre la richesse d’un dessin et l’hermétisme d’un scénario. Nous mettons au défi quiconque de nous résumer ce que raconte cette histoire sur laquelle le roumain Andrei Puica a travaillé 4 ans. Si le but d'un scénario de BD est de rendre intelligible une succession de dessins, ici il n'y en a juste pas. Il faut sans doute accepter d’abandonner toute réflexion cartésienne, toute recherche d’intrigue au sens narratif du terme, pour laisser dériver l’œil au gré de la poésie visuelle qui émane de ces planches assurément construites avec talent et besogne. Nous évoluons ainsi à travers une succession de scènes qui appartiennent plus sûrement à l’art contemporain qu’à l’art séquentiel. Bien qu’étrange et puissamment onirique, l’univers métaphysique et « fantasyste » de Puica est somme toute réaliste, détaillé, appliqué, et sa colorisation se décline à travers des tonalités grises, sépia et bleues, éteintes et douces. La plupart du temps, il mélange des panoramiques impressionnants sur des villes désertes et des créatures ailées tout droit sorties de différentes mythologies. Parfois les planches se dévoilent sans texte (la séquence de la p44 à p55) et on ne comprend pas grand-chose. Parfois il y a plein d’encadrés narratifs et… on ne comprend pas plus ! Bref, le lecteur est libre d’interpréter moult métaphores – il n’a pas le choix – sur les thématiques de la liberté et l’enfermement (les cages à oiseaux qui remplacent les têtes ?), concernant la vanité du destin humain à l’échelle cosmique, voire la transcendance des êtres à s’extirper d’un monde qui les enferme. Bien entendu, ce ne sont que quelques pistes… On est sans doute à côté de la plaque. En attendant, qu’est-ce que c’est beau ! Beau et un gros chouya imbitable.