L'histoire :
Emile, 18 ans, les cheveux blonds bouclés comme un ange, hèle un taxi. Il pleut, il se dépêche de s’engouffrer à l’intérieur de l’habitacle, avec les trois sacs en plastique qui contiennent toute sa vie. Il demande au chauffeur qu’il le conduise jusqu’à l’Hôtel Royal. A l’arrivée, il demande à ce que le taxi le dépose devant l’entrée de service. Il paie 180, au lieu des 167 dus. Il pénètre dans l’établissement, traverse les locaux techniques et se présente par le côté à l’accueil, où le responsable de l’hôtel le connait bien. On est jeudi, c’est le jour où Emile a rendez-vous avec Stefan. Mais Stefan a prévenu qu’il aurait une heure de retard. Qu’importe, Emile prend la clé et monte dans sa chambre, la 316. Il est empli d’espoir et ne manque pas de le faire savoir au guichet. Car cette fois, il en est persuadé, c’est la dernière fois ! Ensuite, Stefan lui a promis de l’emmener en séminaire à la montagne… et puis, enfin, de s’installer avec lui, dans une jolie maison en lisière de forêt ! Le guichet est poli, mais pas dupe. Il a l’habitude des promesses faites aux gigolos, surtout quand ils sont si jeunes et ingénus. Emile monte dans sa chambre. En attendant l’arrivée de Stefan, il reçoit la visite de Gustave, un copain qui fait le même job que lui. Gustave attend de son côté Jorgensen, depuis 2h. Une discussion s’engage. Gustave connait bien Stefan : avant, il était avec lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis la création de cette maison d’édition, les Aventuriers de l’étrange nous avaient habitués à des récits entremêlant généreusement onirisme et fantastique, suivant un prisme narratif souvent un peu gratuit. Et soudain, surgit face au vent, Toute une vie dans des sacs en plastique. Le danois Tomas Lagermand Lundme nous confronte ici à la réalité crue et pleinement contemporaine d’une chambre d’hôtel, dans laquelle un homme d’Etat homosexuel prend du bon plaisir en compagnie d’un gigolo décidément bien jeune… en tout cas bien trop tendre pour affronter la réalité de sa propre tempête émotionnelle intérieure. Lundme se tient cependant loin des clichés faciles : Stefan n’est ni un monstre qui abuse de sa position, ni un vieux pervers. Quant à Emile, son profil psychologique est pathétique mais réaliste. Il est ici question d’emprise, mais surtout de passion dévorante, insane, destructrice. Mais aussi de la solitude classique et désespérée d’un jeune homme face à sa destinée – et à son orientation. Eros et Tanatos dans une chambre d’hôtel. Rares sont les ouvrages capables de causer aussi bien de la détresse affective. Plus précisément, les ouvrages de BD traitant de la prostitution masculine doivent se compter sur les doigts d’une seule main… voire sur les doigts d’un seul doigt. Nonobstant, quelle que soit votre orientation sexuelle – il n’y a ici rien d’explicite, ni d’excitant, à part les corps nus de deux hommes qui se câlinent amoureusement – ce huis-clos à la fois ultra sensible et terriblement pesant est de nature à bouleverser les lecteurs/lectrices. Le dessin de Rune Ryberg cède certes beaucoup à la simplicité, se contentant souvent pour arrière-plans de dégradés roses, bleus, jaunes ou verts… bref, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel LGBT.
