L'histoire :
Lulu, Joe et Chiara, sont au début de leur vie adulte. Les deux premiers s’ennuient à l’école, jugée inutile et trop rigoriste. C’est qu’ils habitent dans un petit coin tranquille du Jura suisse où il ne se passe pas grand-chose. A la maison aussi, ils s’ennuient. L’un est le fils d’un prolo austère, tandis que l’autre est fils du propriétaire de l’usine locale, plutôt bourgeois. Un beau jour, arrive la belle Chiara, italophone et fille d’immigré italien. Dans la seconde, Lulu devient fan de son physique. Libre et à l’affût d’une rencontre, la jeune Chiara va trouver en Lulu un confident rare. Sauf que Lulu espère en fait autre chose. Rebelles et indociles, les trois jeunes ont des envies d’ailleurs, et partiront à la recherche d’une utopie (l’autonomie ?) que leur petit coin de Suisse sera incapable de leur offrir. Fuir l’absence d’horizon en libres penseurs pour forger un monde nouveau, telle sera l’ambition de cette petite bande d’originaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur le papier, le sujet avait tout pour séduire : le destin de trois jeunes adultes en quête d’idéal au cœur d’une Suisse jurassienne tranquille et très tradi. Entre pression sociale, soucis du quotidien et envies d’ailleurs, les personnages seront à l’affût d’un destin original qui pourrait les sortir de leur torpeur. A coups d’expérimentations sexuelles, de rencontres impromptues, de discussions passionnées et de délires psychédéliques communautaires, il est question pour chacun de se découvrir et d’aller à la rencontre d’un nouvel horizon, histoire de faire voler en éclat des dogmes trop enracinés et de construire un idéal. Mais à la lecture, la mayonnaise ne prend pas vraiment. A trop vouloir universaliser le propos tout en l’ancrant dans une réalité sociale singulière, la BD finit par tomber dans quelques sujets attendus qui deviennent des thèmes : tensions entre Suisses germanophones, francophones et italophones, doublées d’un racisme latent, gens otages de la morale religieuse, « lutte des classes » entre personnages un peu trop caricaturaux pour être vrais et englués dans des problèmes sociaux ou familiaux. Le second degré et l’humour noir affleurent parfois au détour d’une case bucolique, mais peinent à s’affirmer car noyés dans des dialogues sans relief. Le dessin sobre, candide et sans prétention s’adapte quant à lui habilement au propos, dans cette Suisse calme et sans ressort. Bref, un premier tome ennuyeux et guère convaincant, hélas, qui sonne comme le portrait d’une époque et d’un territoire en panne d’utopie.