L'histoire :
A l’annonce de l’exécution de l’un des frères Van Bohlen, une émeute éclate dans les rues de Barro-City. Il faut dire que le nouveau bourreau, une femme qui fume le cigare et se fait appeler Antoine Grant, ne fait pas l’unanimité. Alors que le pendu gigote au bout de sa corde, elle repousse de son mieux les assaillants qui l’agressent sur la potence, devant un shérif et un juge attentistes. L’intervention du bouncer, le videur de l’Infierno Saloon, est salutaire. Après avoir joué de son autorité et de ses flingues pour rétablir l’ordre, il raccompagne « la » bourreau à son hôtel. Pour le remercier, cette femme dominatrice l’invite à coucher avec elle avec un pragmatisme direct. La même nuit, le mystérieux tueur qui a déjà tué 3 notables dans la ville, assassine cette fois le juge en lui lançant au cou un « coral verde », un serpent dont la morsure est immédiatement mortelle. Méfiant, le juge parvient néanmoins à blesser son agresseur, avant de mourir. Ce dernier n’est autre que le vieil indien White Elk, le père naturel du bouncer, lui aussi en passe de réaliser sa vengeance. Une chasse à l’homme se déclenche alors en ville. Antoine Grant promet d’avoir la peau de White Elk qui a jadis tué son père, l’ancien bourreau de Barro-City. Le bouncer, lui, promet de tout faire pour venir en aide au vieil indien…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’incroyable aventure du Bouncer arrive enfin à son dénouement. Au terme de 5 actes entremêlant destinées sordides et féroces règlements de comptes, le bourreau manchot aura relégué le Clint Eastwood du film Impitoyable au rang d’enfant de cœur ! Suivant le bon vieux principe des tragédies grecques, le puzzle familial se complète à présent en grimpant encore d’un palier glauque dans cet univers âpre et impitoya-hableu (sic). Les nombreux désirs de vengeances s’entrecroisent et se bousculent, dans une symphonie mortelle qui a pour décor l’ouest sauvage, très sauvage. A l’image des rapports qu’entretiennent le bouncer et son amante « Antoine Grant », les sentiments, amour et haine, sont exacerbés jusqu’à ne faire plus qu’un. Il n’y a qu’Alessandro Jodorowsky pour concocter des destins aussi tourmentés sans que cela paraisse saugrenu et sans jamais emprunter les sentiers conventionnels. Certes, son western pèche toujours un peu par une surenchère dans l’ignominie (c'est aussi un peu le travers de l'excellent Juan Solo), mais il demeure impeccablement rythmé et haletant de bout en bout. Une fois de plus, l’ensemble est visuellement magnifié par le trait réaliste de François Boucq, coutumier du sans-faute. Paysages vertigineux en cinémascope, gueules de méchants, duels intenses, mise en scène emphatique dans le respect des règles du genre… C’est impeccable, jubilatoire, on en redemande ! Au sommet de son art, le dessinateur accroche avec cette « quinqualogie » un nouveau trophée à son enviable tableau de chasse.