L'histoire :
C’est le soir d’Halloween. Déguisés en fantômes, momies, diablotins, tous sont ravis à l’idée de dépouiller les mortels de leurs bonbons. Tous sauf… Asphodèle, déguisée en sorcière. Le triste masque de maquillage est le parfait reflet de son humeur : son frère est mort il y a peu de temps et elle ne l’a visiblement toujours pas accepté. Evidemment, la fête des morts ne la met pas en joie. Elle préfère se mettre à part, errant seule dans les rues de la ville, tiraillée par une douloureuse mélancolie. Elle y fait la rencontre d’un fantôme, celui de son frère, qui tente de lui arracher un sourire. Au début rien n’y fait : Asphodèle reste prostrée, inconsolable. Elle se retrouve même sur un toit, en haut d’un immeuble, prête à sauter pour le rejoindre. Petit à petit, les mots que prononcent ce fantôme, tout en alexandrins, touchent son âme. Dans la beauté du monde, elle finit par se convaincre qu’elle pourra toujours le retrouver. Puis, au petit matin, il disparaît, laissant Asphodèle à son spleen reconstructeur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La fête d’Halloween en tant que fête des morts paraît bien antinomique en période de deuil. Accepter la mort d’un proche est un long travail sur soi et dès lors, fêter la Mort en tant que concept parait bien inapproprié. C’est un peu le créneau d’Olivier G. Boiscommun tout au long de cet album, qui ne raconte rien d’autre que la profonde mélancolie d’une jeune fille et la nécessité de se reconstruire dans les beautés du monde après la perte d’un proche (ce qui est déjà beaucoup !). Paradoxalement, pour cette fête des morts, il s’agit donc ici surtout d’une ode à la vie. Car au fond, sans le concept de mort, il n’y a plus guère de concept de vie… Cette logique implacable – et cette vision optimiste ! – est mise en lumière de manière lyrique, tout en alexandrin, par un Boiscommun que l’on (re-)découvre poète. Publiée une première fois chez le Cycliste, l’auteur a en effet complété sa première version de 26 pages inédites dans cette réédition sous la bannière des Humanoïdes associés. Durant 55 planches, Asphodèle se paye une balade (et une ballade) nocturne(s) dans une ville baignée de tonalités orange et rouille. Si les vers sont plutôt réussis, si les planches sont de toute beauté, le récit est donc relativement pauvre en action… et c’est là la principale limite de l’album. A contrario, ses atouts se trouvent d’une part dans le dessin inimitable de Boiscommun, une nouvelle fois d’une imposante maestria. D’autre part, le lyrisme de l’œuvre redonne son sens à la fête anglo-saxonne d’halloween : au sortir de la lecture, on a réellement l‘impression d’accepter plus facilement la notion de mort ! Une bien jolie promenade mélancolique…