L'histoire :
En Judée, sous l’occupation romaine, une riche jeune femme a été assassinée dans une maison inconnue des bas-fonds de Jérusalem. Aussitôt appelé sur les lieux, le juge Shimon de Samarie inspecte la scène. La cause du meurtre est évidente : des coups de couteau ont maladroitement été assénés dans le cou. Si la tenue vestimentaire la désigne comme romaine, la victime porte néanmoins un pendentif représentant une ménorah (chandelier à 7 branches), qui la désigne comme juive. Enfin, elle serre dans sa main un petit colifichet africain. Shimon interroge virulemment l’homme qui a découvert le crime : celui-ci avoue qu’il espionnait la belle, perché dans un arbre pour mieux l’observer par la fenêtre, car elle se livrait en ce lieu à des ébats amoureux avec… une femme. Le lendemain, le corps est identifié par cette femme, nommée Bethsabée, une prostituée d’une grande beauté que Shimon a jadis bien connue. Bethsabée révèle que la victime s’appelle Esther, qu’elle est la fille d’un puissant seigneur proche du Temple, Aaron, et l’épouse d’un puissant romain, Decimus. Shimon rend visite aux deux familles. Chez Aaron et Judith, les parents d’Esther, l’heure est à l’affliction et au recueillement. Chez Decimus, Shimon débarque en pleine orgie : ça fornique dans tous les coins et l’homme enivré n’a que faire de la mort de son épouse. Shimon demande alors à interroger Scipio, un esclave noir venant d’au-delà des sources du Nil. Le colifichet, ainsi que les coups de fouet qu’Esther lui a récemment infligés, font de lui un joli suspect…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si cette enquête policière historique parait aujourd’hui en dehors de toute collection et numérotation, le personnage du Samaritain n’est pas tout à fait inconnu. Indépendant et one-shot, l’album fait en quelque sorte office de tome 3 à la série Shimon de Samarie, précédemment publié au sein de la feu-collection Dédale (les polars historiques). Le personnage du juge reprend ici son rôle d’enquêteur rigoureux et perspicace, pour élucider le meurtre d’une jeune et belle juive. La spécificité du contexte historique fait ici tout l’intérêt et le sel de l’album. D’un point de vue de l’enquête, les amateurs de polar seront en effet très déçus et le rythme des investigations n’est guère haletant. En revanche, le travail de retranscription historique mené par le scénariste Fred le Berre semble d’une grande rigueur, amplifiée par le trait réaliste du dessinateur Michel Rouge. Tenues vestimentaires, architectures, mœurs… on croit à 200% à cette société ambigüe, amalgame de plusieurs peuples aux traditions et aux religions disparates. Emblématique de cet aspect, le juge « Rabbi » Shimon appartient à deux cultures : il a reçu une éducation romaine mais œuvre au service du Sanhédrin de Jérusalem. A l’instar de l’homme, toute la région de Jérusalem accepte ce tiraillement pluriculturel – apparemment mieux qu’aujourd’hui ? Or, aux querelles entre les peuples, il faut en effet ajouter les divisions intra-communautaires… et sans trop en révéler sur le dénouement, disons que Shimon devra ici se méfier des apparences.