L'histoire :
Alice et son petit frère Polo descendent de train dans une mégapole industrielle, dans le but de consulter un médecin spécialisé pour Polo. Ce dernier a en effet des syndromes de lycanthropie, oreilles en pointe et petit museau, suite à une morsure de loup. En ville, l’ambiance est électorale : le candidat Kramer multiplie les meetings à l’encontre du candidat Brown. Et les sujets de débats ne manquent pas, à travers un gros problème social et sanitaire : les progressistes sont pour une intégration des « hybrides » à la société, des êtres mutants et monstrueux, tandis que leurs adversaires prônent leur extermination. Les monstres sortent parfois de leur ghetto, appelé le Cloaque, pour participer activement aux débats, tantôt en manifestant, tantôt en organisant des attentats contre la personne de Kramer. C’est justement dans une piaule miteuse du Cloaque, que loge Caleb, le grand frère qu’Alice et Polo tentent tout d’abord de retrouver dans cette ville, pour y dormir une ou deux nuits. Poète sans le sou, râleur et profiteur, Caleb leur réserve un accueil des plus désagréables…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ancré dans un univers fantastique sombre, le ton de ce nouveau « conte » est avant tout politique. Les monstres hybrides ghettoïsés dans les grandes villes sont une métaphore non dissimulée des immigrés ou des cas sociaux, que la population stigmatise comme uniques responsables de leurs maux. De leur intégration ou de leur « élimination », il a souvent été question dans nos sociétés dites « civilisées ». Ce premier tome nous permet d’abord de faire connaissance avec cette conjoncture particulièrement morose, mais aussi avec les protagonistes. D’un côté, Alice, l’héroïne effacée, bascule dans un monde pire que sa réalité (une « Alice au pays des merveilles à l’envers », reconnait Massimo Semerero en interview). A ses côtés, deux frères aux caractères antinomiques : le petit Polo, innocent et monstrueux, et le grand Caleb, blasé et négligent. D’un autre côté, Trimarkos, un être cruel couvert de bandelettes, sert les desseins politiques haineux du candidat Kramer, et dissimule un double jeu qu’il reste à Semerero à nous dévoiler pleinement. Au dessin, Marco Nizzoli parvient à allier l’ambiance politique pessimiste avec une touche de légèreté qui sied aux contes. Les monstres sont plus rigolos que répugnants, et leurs difformités sortent des sentiers battus (les tresses tentaculaires ou le médecin germano-arachnoïde). A découvrir…