L'histoire :
Suivant les indications d’Al Makhzun l’aveugle, Soledad l’andalouse et son équipage pirate sont enfin arrivés à destination. Cependant, l’île de Quayruch’ ne parait pas aussi fabuleuse que l’aveugle leur avait conté. L’îlot volcanique ressemble plus à un gros rocher stérile et lugubre, qu’aux vergers de joyaux et aux prairies d’opales convoitées. Avant toute chose, il leur faut surtout distancer les navires de guerres du régent, à la tête desquels le cruel Shaddâd a juré la perte de Soledad. La pirate entreprend alors une manœuvre jusque dans une crique, se dissimulant à la vue de ses poursuivants. Au fond, toujours suivant les indications d’Al Makhzun, le navire traverse une large cascade d’eau. L’équipage accoste ensuite au fond d’une grotte secrète et entreprend l’exploration de l’île en remontant par une faille intérieure. Ils prennent alors conscience d’être observés par une tribu de lycanthropes géants, invulnérables et très impressionnants, qui restent passibles tant que l’on ne porte pas atteinte à la faune ou à la flore de l’île. Soledad fait également connaissance avec une petite fille, Prahani, élevée depuis des années par ces êtres appelés « Diw’ ». Elle leur explique qu’au cœur de l’île se trouve un arbre sinistre et gigantesque, dont les racines parcourent l’île. On l’appelle « l’arbre carnivore » car il se nourrit du sang de ses ennemis, après avoir été apportés en pâture par les Diw’…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le dernier épisode de ce (premier ?) cycle prend une tonalité beaucoup plus mythologique que les précédents. Jusqu’alors, ces aventures orientales s’inscrivaient dans une ère médiévale relativement cartésienne, à l’exception du djinn de pierre de lune que Soledad invoquait à la rescousse lorsqu’elle avait besoin d’un petit coup de pouce surnaturel (une ombre noire polymorphe et toute-puissante). Cet ultime opus abandonne définitivement les parenthèses en flashbacks qui rattachaient le récit à notre Histoire, pour se concentrer sur la résolution de l’intrigue principale, éminemment fantastique. Car notre héroïne évolue cette fois en plein conte légendaire, de type des mille et une nuits, avec toutes les extravagances inhérentes au genre. Au cœur de l’intrigue, les mécanismes imaginatifs qui régissent l’arbre carnivore et les créatures lycanthropes sont plutôt enthousiasmants. Le respect du vivant s’approcherait presque des préceptes de la philosophie bouddhiste. Evidemment, comme dans tous les contes de ce genre, la scénariste Sylviane Corgiat ne fait aucun mystère sur la conclusion heureuse qui se profile. Méchants et traitres en bavent un max, et les gentils s’éloignent sur fond de soleil couchant. Le dessin de Christelle Pécout y regagne nettement en finitions en tous genres, mis en valeur cette fois par les couleurs subtiles du Protobunker studio. Un regret et une satisfaction, pour conclure sur l’œuvre globale : malgré des tomes de qualité inégale (dans la forme), le duo féminin aura livré un récit légendaire homogène (dans le fond) jusqu’à son terme, ce qui n’est pas si courant que ça.