L'histoire :
Une famille de français (bien) moyens semble s'être perdue en montagne, dans La clairière de El Diablo et NicoGems. Elle cherche en fait la maison de l'aïeule, où ils ne sont pas venus depuis des années. Le père, la mère (avec choucroute sur la tête) et la gamine de 11 ans pas motivée s'enfoncent dans la forêt, avant d'atterrir dans une clairière où trône un vieil et grand arbre mort... Là, ils sont accueillis méchamment par deux zigotos armés, pas gentils du tout. On peut même dire que leur résistance va les mener direct en enfer. A moins que, attendez... ça ne serait pas plutôt l'inverse !? Mathieu sapin raconte son expérience de la découverte du jeu de rôle L'appel du Cthulhu vers la fin des années 1980. Jeu dont on découvrira une interview du créateur Sandy Petersen un peu plus loin. Pixel Vengeur, dans son style parodique, nous présente dans Chtulhu à la plage une entité monstrueuse malingre remontant des abysses pour constater l'état lamentable des océans pollués. Tentant de se débarrasser du liquide noir collant sous ses pieds, il va consulter un psy qui va lui conseiller la montagne. Dans Ils sont arrivés, Valentin Ramon raconte avec brio l’appel à l’aide désespéré des humains dans un futur plus ou moins proche, afin de sauver le chaos dans lequel ils se sont eux-mêmes fourrés. Le dieu qu’ils attendaient n’est pas celui qu’ils croyaient et se matérialise sous la forme de cubes de couleurs flottant dans les airs, aux pouvoirs destructeurs inimaginables. Le Docteur West, visitant le soldat Carter, premier et seul combattant rescapé devenu détenteur d’un lien vocal avec les entités, transmet son « pouvoir » au médecin, qui délivre un message à l’humanité : pour son salut, elle devra sacrifier 10% de la population mondiale tous les 50 ans. Bien sûr, ce laps de temps passe vite...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce recueil entièrement consacré au maître de Providence, on feuillette avec avidité les 28 histoires présentées par Jerry Frissen, rédacteur en chef, en se demandant lesquelles vont pouvoir sortir du lot. Il est en effet compliqué, tel que le rappelle François Béranger, illustrateur hyper réaliste, dans son entretien avec Vincent Brunner, d'adapter Lovecraft en BD. Des maîtres s'y sont essayé (Alberto Breccia, Richard Corben, Horacio Lalia, GouTanabe...), pas forcément avec succès. D'ailleurs, un précédent hors-série Métal hurlant avait déjà abordé le sujet en 1978. Aussi, dans ces essais de retranscription de ce que peut être l'horreur de ces monstres anciens, comment situer sa propre création ? Certain comme Mo/CDM ou Jean-Luc Cornette et Christian Durieux tentent l'humour. Et si cela n'est pas trop long (comme chez Bob Fingerman), on s'en amuse volontiers. Mais le meilleur nous est réservé, plutôt que l'illustration d'une horreur indicible, dans les récits un peu construits. Tels ceux de Vivent Bonavoglia et Matthew Allison, Lumière noire, Ils sont arrivés de Valentin Ramon, au superbe mélange de gris et de couleurs flashy, Mentral d'Etienne Appert, 1785, de Stéphane de Canevas, remarquable de beauté et d'inventivité dans l'illustration. Tout comme Elene Usdin avec son histoire de carnet cousu dans le matelas dans la page blanche, étonnant et déstabilisant. Quoi que certains comme Brouette hurlante, avec son récit Love & Craft, parodique mais flippant, au style très Nicole Claveloux, arrive à sortir du lot. Ou encore Lolita Couturier qui, avec sa BD alternative très fanzine se permet d'inviter l'horreur Lovecraftienne dans l'univers de la banlieue. Sinon, certains dessinateurs très doués marchent dans les pas de leurs aînés pour proposer des récits où est davantage accentuée l'atmosphère. Le cas de Jorge de Vos sur Mater, Nikola Pisarev dans Bienvenue à Dunwich ou Salvador Sanz, auteur du triptyque Méga chez Ilatina. Les articles et sélections complétant ce sommaire sont toujours intéressants et contribuent à l'équilibre de cette grosse revue Mook, bien que l'absence de la rubrique habituelle d'Otto Madox ne passe pas inaperçue. Elle est, cela dit, plus ou moins remplacée par un reportage sur l'incontournable exposition au centre Pompidou La BD à tous les étages où l'horreur nous donne aussi rendez-vous. Un puits sans fond, donc.
