L'histoire :
Enfer perdu : Un père et son fils se fraient un passage dans des rues dévastées après une catastrophe nucléaire. Armés, ils avancent en se cachant de chiens mutants. Soudain, au fond de l’une d’elles, la mère du garçon apparaît de dos, accroupie, face à un amas de caisses et d’ordinateurs. Se rapprochant, le garçon découvre sa mère au visage entièrement défiguré. Celle-ci dépitée, attrape son fils et le retient serré dans ses bras, saisissant dans le même temps la torche allumée à ses pieds et la projetant sur la flaque d’essence répandue par elle à l’avance. Un sacrifice ultime, dans un monde en perdition. Anéanti et se sentant coupable, le père récupèrera son fils et, s’éloignant au-dessus du brasier de la ville réduite en flammes, fera de même.
La maison de thé aux trois Cordes nous donne l’occasion de découvrir Rachel Marazano, fille du scénariste bien connu, qui propose un conte inspiré d’un folklore un peu asiatique, où un jeune garçon quitte sa bande pour une sorte de quête initiatique dans un dédale de rues d’une cité futuriste : Kuraï Mori. Là, arrivé dans la maison traditionnelle où se trouve une sorte de shaman jouant d’un luth ancestral, afin de le charmer, il parvient à lutter et empêcher son infiltration par une créature extra-terrestre monstrueuse grâce à son Tanto (sabre court japonais). Se réveillant dans les rues, le jeune garçon repart confiant vers son monde. Une fable sur ce que l’on doit parfois laisser pour avancer.
Futurette nous permet de retrouver Olivier Vatine, dans un style de dessin très années 80’, rappelant fortement ses débuts chez les jeunes éditions Delcourt. Une histoire de rébellion de survivants à un monde policé (dans les deux sens du terme), écrasé par une gendarmette pin-up et sa troupe d’élite s’avérant faire partie d’une race extraterrestre ayant pris l’apparence des humains pour mieux les contrôler. La résistance est-elle cependant vraiment vaincue ?
Love Is like Oxygen nous régale du dessin magnifique (informatique ?) de Jord de Vos, dans un scénario futuriste décrivant le sauvetage de deux astronautes s’étant sacrifiés l’un pour l’autre dans un monde en ruine très ancien, ressemblant beaucoup au nôtre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n'y a pas à dire, le Métal hurlant nouveau a vraiment trouvé sa vitesse de croisière et a su s'imposer comme un rendez-vous incontournable pour les fans de SF. Ce numéro comporte son lot de bonnes, voire très bonnes histoires par des auteurs actuels, le tout rythmé par des rubriques et articles tous plus passionnants les uns que les autres. On imagine avec une certaine émotion le jeune lectorat n'ayant pas connu la revue seventies attendre avec impatience chaque nouvelle parution chez son libraire. Les déclassés de l'espace, dessiné par Damien Cuvilier fait partie du haut du panier, avec un style de dessin fanzine très épais et tramé rappelant le Conrad des Innommables du début des années 80. L’histoire de sacrifice obligé d’humains n’ayant pas leur « score » pour pouvoir se joindre aux Happy Few vivant désormais sur Mars rappelle combien la notion de surpopulation et de catégories dirige nos vies. Rimbelt le porteur de mauvaises nouvelles dégage, en plus de son scénario rigolo et non-sensique, un style graphique issu du jeu vidéo (mais ici en couleur) poussant à vouloir en voir davantage de Pim Boss, l’auteur de Tremen (deux tomes, Dargaud 2019-2021). Mouvement perpétuel de Tim Adam et Julien Perron fustige les progrès de la technologie, sensés nous apporter du confort mais pouvant parfois nous conduire plutôt à la mort. Un récit sur les « chapeaux de roues », livré avec un humour pince sans rire. On remarquera aussi tout particulièrement Hot Ground, par Shof & Shobo, au dessin japonisant rappelant néanmoins le créateur de Hellboy ; Nouvelle espèce et sa fable sur les surhumains, superbement mise en images par le russe Nicolas Pisarev ; Poubelle dorado, par Simon Hureau, délivrant un récit surprenant de réalisme (mais ironique et qui ne sera pas de tous les goûts) sur l’utilisation de nos déchets ; 2138 l'âge adulte par Etienne Appert rappelant combien la société hyper consommatrice actuelle nous a infantilisés et rendus égoïstes. Son scénario hyper intelligent imaginant la possibilité de visualiser notre dynamique egocentrique. Tout comme : Un monde plus lisse ; Everyday Is like Wendy ou Signal faible, abordent notre impact sur le reste de l’univers. Flippant. Parlement solaire, quant à lui, aborde avec intelligence la notion d’énergie solaire et son stockage. Les rubriques et sélections de livres ou disques récemment parus, tout comme les retours sur des « classiques » ayant manqué leur public (La belle Verte de Coline Serreau) sont bien écrits et choisis avec goût, assurant pleinement leur rôle de découvreur ou plutôt « serre-fil », pour toutes celles et ceux qui n'auraient choisi de ne garder que cette revue pour se tenir informé(s). Jerry Frisen a réussi le pari de reprendre le fauteuil dionnetien en y insufflant sa propre identité. Un challenge qui n'était pas gagné d'avance. Chapeau et vive Métal hurlant !