L'histoire :
En cet automne de l’an 997 des chrétiens, en un lieu reculé de Norvège oublié même des dieux de l’Asgard, la pleine lune éclaire une terre volcanique et déshéritée. Le sorcier d’une tribu des plus barbares et primaires s’apprête à éviscérer un troll tout juste capturé. « O esprits de la nuit, venez à moi ». Les auspices lui annoncent qu’à l’hiver, une étoile apportera un homme qu’il faudra sacrifier à la pleine lune suivante, sinon le clan disparaîtra. Six mois plus tard, en mer du Nord, le bateau de Rowena, femme mais aventurière, s’éloigne des côtes écossaises avec à son bord Raedwald le Saxon et son compagnon, l’impressionnant Arnulf. Lorsque un brouillard menaçant obscurcit soudain l’horizon et fond à contre vent sur le frêle esquif : l’haleine du diable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A-t-il existé une peur de l’an mil ? Rien n’est moins sûr, mais tel est pourtant le parti pris de l’univers médiéval imaginé par Richard D. Nolane. Un monde à part, original, à la charnière de différents styles qui se révèlent ici très complémentaires. Millénaire se présente en effet comme un puzzle dont le lecteur assemble petit à petit les pièces pour découvrir un résultat toujours plus surprenant et énigmatique. En toile de fond, le dessin très appliqué et expressif de François Miville-Deschênes ancre le récit dans une réalité historique brute, très âpre, celle de la disparition des dernières traces romaines et d’un éphémère ordre carolingien en Occident. Le pouvoir féodal, alors naissant, est éclaté et la papauté souhaite incarner la seule réelle autorité œcuménique. Le crépuscule des temps approche et les hommes inquiets d’une parousie annoncée s’efforcent de conjurer le mauvais sort. De surcroît, les couleurs sombres, à dominante « terre », de Daniel Perez renforcent le sentiment d’un Moyen-âge obscur et barbare pataugeant dans la boue. Cependant des éléments fantastiques (goules, trolls…) à chaque tome toujours plus prégnants, donnent à l’intrigue une tournure « fantasy » jusqu’à flirter avec la SF (les vaisseaux métalliques des Sylphes, créatures diaboliques ou extra-terrestres ?). Le clan des chimères de Corbeyran et Suro est peut-être la série, et le Nom de la rose, le film, s’en rapprochant le plus, tout du moins au regard de l’ambiance. La crédibilité de cet OVNI réside en partie dans son couple de personnages : un Saxon à l’esprit fort et une brute épaisse germanique à l’humour très premier degré (un duo devenu trio, relevé d’une touche féminine, qui n’est pas sans rappeler une certaine alchimie gauloise, voire « troy »-enne). Connaissance et Force semblent les seules clés ouvrant une réponse rationnelle, rassurante, à une époque où règne une atmosphère crépusculaire de fin du monde.
