L'histoire :
Début des années 50. Doris est la maman d'une petite Cora, 7 ans et demie, atteinte d'une maladie qui pourrait être la tuberculose. Elle emmène sa petite fille au sanatorium de Waverly Hills, où elle même fut soignée 17 ans plus tôt, un établissement lugubre du Kentucky, où plus de 60 000 personnes venues guérir de la tuberculose ont trouvé la mort au siècle dernier. Elle est persuadée qu'elle trouvera là-bas les meilleurs médecins et les meilleures conditions de guérison pour Cora. Si l'arrivée dans l'établissement se passe pour le mieux, la mère et la fille se trouvent rapidement confrontés à des évènements inquiétants : hallucinations, rencontres des enfants avec un étrange personnage, prophète de la mort du quartier isolé des "nègres"… Ces phénomènes touchent aussi bien le personnel de l'hôpital que la petite Cora. Petit à petit, Doris réalise que la gigantesque bâtisse cache de sinistres secrets, dont la santé mentale et physique de sa petite fille pourrait pâtir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut avoir le cœur bien accroché pour traverser cet album sans ressentir un certain malaise. C'est tout le talent de Christophe Bec de créer cette ambiance oppressante, qui vous donne parfois envie de refermer l'album. On peut aussi considérer que le scénariste n'a pas su doser ses effets et a manqué de finesse pour sensibiliser le lecteur aux souffrances des pensionnaires de cet incroyable mouroir, et qu'il a appuyé bien fort sur les ressorts du thriller fantastique, ce qui lui réussit d'ordinaire très bien. On connait l'obsession ou la fascination de Bec pour la noirceur et la mort, mais alors que ses albums récents nous tiennent en haleine autour de mystères cachés, ici les évènements se succèdent avec une étonnante rapidité et une insistance lourde sur la souffrance des enfants (on peut même trouver que c'est trop). Au dessin, l'Italien Stefano Rafaelle (Fragile) réalise quelques pages superbes (la double page qui montre le sanatorium sur fond de ciel rouge est impressionnante). Même si on imagine ce que Christophe Bec lui-même aurait donné au dessin, il faut reconnaitre le talent du dessinateur et de la coloriste Marie Paule Alluard. Le reste de l'album souffre néanmoins de quelques faiblesses : des personnages aux visages un peu changeants (on confond un peu les infirmières), des enfants incroyablement petits pour leur âge (comme sur la couverture par exemple), et des expressions exagérées à l'extrême. Cette tendance à l'exagération des visages déformés par l'horreur rappelle un peu les fascicules Mon Journal qu'on trouvait dans les gares italiennes dans les années 80 (l’auteur est italien). Au final, il reste un sujet fort, ambitieux, mais délicat parce qu'il concerne essentiellement des enfants victimes de souffrances atroces, pour lequel les deux auteurs n'ont pas encore trouvé le ton convenable. Ce n'est qu'un tout début et on est en droit d'espérer que le récit parallèle, juste ébauché en début d'album - lorsque des gardiens de nuit visitent de nos jours l'établissement désaffecté - nous réserve des scènes mémorables…