L'histoire :
Le jeune lieutenant Gundersen fait partie d’un convoi de colons qui vient d’atterrir sur la terre de Holman, une exoplanète de classe VII. Il apprend avec stupeur qu’il est affecté chez « Kurtz le cinglé », au poste des naggiars. Gundersen fait donc la connaissance de son supérieur, une sorte de facho qui le met violemment en phase avec son poste : la récolte du venin des naggiars, une sorte de serpent titanesque et multicolore, dont le dos est couvert de piques. En raison de l’imprudence volontaire de Kurtz, Gundersen manque y laisser la vie dès la première minute. L’exercice est extrêmement dangereux. Il consiste à faire rentrer la tête du reptile dans un large tunnel, dont l’intérieur est pourvu d’une machine d’extraction. Le venin remplit ensuite une bombonne de ce produit miracle qui régénère les tissus, très précieux pour la chirurgie réparatrice terrestre. A la suite de cette récolte, Gudnersen assiste à un spectacle étrange : Kurtz récupère sur son doigt la dernière goutte de l’extracteur, pour ensuite l’ingurgiter. 18 ans plus tard, Gundersen est de retour sur la même planète, la tête farcie de nostalgie. Il était rentré sur Terre depuis 8 ans au moment de la révolte des espèces autochtones, les nidorors et les sulidorors, qui a conduit à sa décolonisation. Désormais, la planète s’appelle Belzagor et l’organisation sociale n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il a connu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album prévu en diptyque est une adaptation par le scénariste Philippe Thirault du roman Les profondeurs de la terre, écrit par le prolifique auteur de SF Robert Silverberg, (Le cycle de Majipoor !) et originellement publié en 1970 aux USA. Ici, le personnage principal, Gundersen, revient sur une planète qu’il a jadis bien connu, mais après son processus de décolonisation. La réflexion centrale aborde alors la question de l’ethnocentrisme arrogant. Les deux espèces autochtones et pacifiques qui peuplent Belzagor ressemblent en effet à des pachydermes (les nildorors) ou a de grands échalas rougeoyants à longs bras et au regard idiot… mais ils sont pourvus d’une intelligence comparable à la nôtre. Leur asservissement a logiquement fait long feu et le héros se retrouve un peu dans la peau des pieds noirs « expatriés » d’Algérie : empli d’amertume et nostalgique d’une organisation sociale totalitaire, qui ne pourra plus jamais exister. Mais cette première partie de diptyque, qui alterne ses séquences entre deux périodes – l’une en flashback expliquant régulièrement des parties de l’autre – diversifie aussi les problématiques. Les relations tendues ou amoureuses entre les protagonistes, une expédition scientifique à assumer, le puissant potentiel de drogues et de rites… C’est riche et palpitant. Visuellement, cet univers incroyablement prolifique, avec des espèces autochtones animales ou végétales foisonnantes, rappellera aux amateurs les Mondes d’Aldébaran de Léo ou le film Avatar. Or sous les crayons formidablement précis et détaillés de Laura Zuccheri, ce monde y gagne beaucoup en crédibilité, en merveilleux. Notons ce petit caméo : la dessinatrice a choisi de donner les traits du romancier Silverberg à Kurtz ! En bref, de la sacrément bonne science-fiction !