L'histoire :
C’était en 1998 : sa famille lui annonce qu’ils doivent quitter le Japon, direction la Chine. Les débuts sont très difficiles : aucune école primaire n’accepte de prendre les enfants. Un directeur finit par se résoudre à prendre les enfants, mais c’est bien à contre-coeur. Dans la cour de récréation, le ton est donné : Kwong-Sho reçoit un accueil musclé et les autres enfants le frappent sans ménagement. Le pire c’est que la maîtresse qui assiste à ce spectacle ne fait rien pour arrêter la violence des enfants. Elle finit par relever Kwong-Shi en lui disant de façon sèche qu’il a mérité ce qui lui est arrivé car le Japon a fait beaucoup de mal à la Chine, fut un temps. Horrifiés, les parents n’ont qu’une hâte, c’est de déménager le plus rapidement possible. Quand ils ont amassé suffisamment d’argent pour partir, ils se déplacent à Hong-Kong. Le jeune Kwong-Shi revit : ici, tout est beau, tout est neuf et les gens ont l’air formidables. Le premier cours d’éducation civique explique le fonctionnement du pays. C’est le système de « un pays, deux systèmes » : Hong-Kong est certes annexé par la Chine, mais ils sont indépendants sur la politique et les lois. L’enseignant énumère chacune des règles du pays, les libertés et les droits de chacun. Chaque passage donne le sourire et réchauffe le cœur de Kwong-Sho qui se dit qu’il est enfin arrivé au paradis, dans un pays où la personne et l’individu sont respectés à leur juste valeur et sont protégés. Mais, est-ce vraiment la réalité de Hong-Kong ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2019, les manifestations contre la loi de l’amendement d’extradition ont fait soulever des millions de hongkongais, signe d’une région qui souffre de l’impérialisme chinois. Les répressions policières ont été terribles et ont provoqué l’indignation dans le monde entier. C’est ce sujet difficile et récent qu’aborde le sino-japonais Kwong-Shing Lau. Sa préface glace d’entrée avec un ton direct, profond et particulièrement engagé. Une page de texte et d’explications présente ensuite des passages de bande dessinée qui racontent les faits de cette période. L’œuvre se fait militante et chaque page est une revendication forte et une dénonciation sans fard. Plein de courage et de détermination, Lau décrit crûment les actes terribles de la police hongkongaise et la toute puissance inhumaine de la Chine. Les mots et le dessin sont d’une force sans nom et constituent une réponse idéale face à la barbarie d’un pouvoir totalitaire. Lau lève le voile sur la situation inquiétante de Hong-Kong en balayant tous les sujets possibles et imaginables : de la crise du logement au mépris de la jeunesse, des meurtres maquillés en suicide aux lois édictées par Pekin, de la censure à la misère sociale… L’art retrouve ici un véritable objectif : dénoncer la tyrannie d’un système inique. Non sans risque, Lau n'hésite pas à se mettre en danger pour témoigner des évènements actuels et il devient un artiste engagé qui, par son texte et son dessin, essaie de faire changer les choses. Certains passages sont moins poignants et intéressants car l’œuvre est une suite de morceaux publiés dans un journal, mais le dessin particulièrement mature du jeune auteur fascine totalement. Un vrai coup de poing en réponse aux violences policières et gouvernementales : de quoi nous ouvrir les yeux sur la situation en Chine et nous faire réfléchir sur nos propres démocraties européennes.