L'histoire :
À Paris, les événements rendent la vie difficile : tout le monde vit dans la paranoïa et craint un attentat. Le couvre-feu est donc de mise et démarre à 18h. Anna appelle ses amis Thérèsa et Jean pour les voir dans la soirée. Le couple accepte, mais doit acheter un cadeau avant. Ils n'ont que peu de temps car il est 17h. Le centre commercial ferme dans une heure, il sera ensuite interdit de circuler avec le couvre-feu. Alors qu'ils sillonnent les rayons, Thérèsa et Jean ont une drôle de surprise : les écrans annoncent un message urgent. Cest le directeur du centre, Michel Edmond Duclerc, qui prend la parole et il donne de sombres nouvelles. Les terroristes viennent d'attaquer deux centrales nucléaires. La catastrophe risque de causer d'énormes dégâts au pays. En attendant, tout le monde doit rester dans le centre souterrain qui est le meilleur abri atomique des environs. On ne sait pas encore les nouvelles précises de l'extérieur, le nombre de victimes et l'ampleur de la catastrophe. Cependant, le directeur est très clair : personne ne doit sortir d'ici. Les portes ont été verrouillées pour que tout le monde soit protégé au maximum. Duclerc nest pas inquiet pour la survie des gens : son centre peut garder 15 000 personnes et il a suffisamment de réserves pour tenir au moins un an ! Pour commencer à mieux apprendre à vivre ensemble, le directeur propose aux occupants de se faire recenser...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Shelter Market est paru à l'origine en 1980 dans Métal Hurlant. Ce récit d'anticipation témoignait de l'angoisse de l'époque sur la montée de l'arme nucléaire. Aujourd'hui, Chantal Montellier modernise son œuvre car elle lui paraissait encore plus d'actualité. Le dessin, précédemment en noir et blanc, change totalement de look et l'album compte trente pages de plus. L'idée de départ frappe d'emblée par sa puissance et sa simplicité : un groupe de personnes est enfermé dans un centre commercial à cause d'un attentat à l'extérieur sur une centrale nucléaire. Le récit devient alors un terrible huis clos où ce microcosme de société tente de survivre en instaurant des règles drastiques et contestables. La nature humaine se dévoile et la dystopie caricature violemment les travers de nos sociétés : la police abuse de la force, le pouvoir limite l'accès à la culture et la pensée doit être contrôlée. Le constat est terriblement amer et certains passages sont même totalement insoutenables. L'enfer, c'est les autres, comme le rappelle le leitmotiv graphique de la peinture de Boticelli. On bascule petit à petit dans l'horreur à mesure que le pouvoir se durcit. La réédition remet à jour les angoisses de notre époque et utilise les grandes questions sociales de notre actualité : le port du voile, les attentats, l'état d'urgence... Le malaise est d'autant plus grand que Montellier critique avec force la surconsommation qui abrutit le peuple. Son dessin bien plus moderne joue des effets de patchwork et des couleurs criardes, comme si l'on avalait sans arrêt des publicités insipides. Le décalage entre la réalité du quotidien et l'image bouffonne rend le propos encore plus ironique. Alors que des gens se font massacrer, on voit des images de Star Wars ou le visage grimaçant de Ronnie Mc Donald ! Le S de Superman remplace la croix gammée et chaque individu est identifié par un numéro. Le clin d'œil de l'auteure à quelques grandes figures de la bande dessinée (vous pourrez reconnaître Jacques Tardi, Druillet ou Jean-Pierre Dionnet) n'atténue pas la violence de la critique et le récit atteint une puissance rare. Soyez heureux : George Orwell est ressuscité !
