L'histoire :
Fin des années 1930, Paris. Gabor Varga, publiciste, escrimeur et charmeur, évolue dans le monde de l'art auprès de ses amis artistes et galeristes. La montée du nazisme et l'occupation allemande de la France vont cependant rattraper tous ces protagonistes, dont certains d’origines juives, qui doivent fuir de justesse leur petite vie bien rangée, alors que leurs biens sont spoliés. Ensemble, ils vont rejoindre le maquis en Dordogne et une vie souterraine, leur permettant de continuer à exister, différemment, mais en gardant leurs idéaux. Enfin... normalement, car d’autres rebondissements semblent les attendre au bout du chemin.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Camille Lavaud Benito, artiste pluridisciplinaire, a entre autre œuvré pour des pochettes de rééditions de disques du label Born Bad (Pierre Vassiliu, Henri Salvador...). Elle est aussi créatrice d'affiches de films imaginaires, imprégnés de culture polar, espionnage, policier des années classiques du film noir français (1930-50). A ces fins, elle a créé Le Consortium des prairies, une structure lui permettant de diffuser à l'envi ses montages, idées, illustrations, séries de ping-pong entre différents supports. Ce roman graphique ne déroge pas à la règle et, au long de 96 pages magnifiquement présentées, sur un papier crème épais, développe un récit très documenté sous une forme oscillant entre nouveau roman français et cahier d'art, où les accents juifs de titis parisiens résonnent étonnamment à nos oreilles, comme dans un film. Le dessin est réalisé à la plume et au pinceau, dans un encrage tout en hachures, fines et minutieuses, révélant entre autre de belles structures architecturales, lorsque ce ne sont pas des éléments de décors africains, comme chez Gabor. Les galeries de portraits sont aussi plus vraies que nature. Parfois des tons de couleur rouge apparaissent dans un cadre, une forme, rehaussant le dessin. Celui-ci est aussi, à l'occasion, encré au pinceau, donnant une touche davantage « BD », (Pieds Nickelés, même, dira-t-on), tel dans les passages des Aventures de Cassier Laval, mise en abîme d'un périodique d'époque où l'on suit les actions coups-de-poing de nos protagonistes maquisards. En fait, il n'y a pas vraiment de règles, l'autrice faisant ce qu'elle veut, et le faisant bien. Elle finit sur une série de montage photos du film imaginaire du récit, ainsi qu’une série de fausses affiches couleur sur papier glacé que l'éditeur a eu le bon goût d'ajouter à cette édition. Une cerise sur le Benito. Seul bémol : les mains des personnages, que Camille n'a jamais appris à dessiner malheureusement. Cela n'a pas empêché l'album, premier d'un triptyque centré sur l'affaire de l'attaque du train de Neuvic, d'être nominé à Angoulême cette année, et c'est mérité. Un bijou d'édition à ajouter à votre cabinet de curiosités, dont on attendra la suite avec… curiosité.