L'histoire :
Une clope au bec, installée dans un canapé devant la télé, la noire Paz vient d’ingurgiter quelques litres d’alcool et elle s’apprête à avaler maintenant une pleine poignée de médicament. Seule chez elle, elle vient de regarder pour la énième fois la vidéo du concours de twerk qu’elle a récemment gagné… Et ce moment de gloire est de l’histoire ancienne étant donné qu’elle est désormais amputée des deux jambes, après avoir été écrasée sur scène par la chute de lourds projecteurs. Au même moment, la blanche Polly, ex star d’Hollywood, est adossée au bord de sa luxueuse piscine. Elle vient de se couper les veines avec un rasoir et elle attend, stoïque, que la vie quitte son corps. Elle aussi a été amputée des deux jambes, suite à un accident avec une voiture de rallye qui a foncé dans le public. Les deux suicidaires estropiées ratent leur coup et se retrouvent dans un même centre psychiatrique, à partager des séances de psychothérapie avec plusieurs autres dépressifs. Les deux femmes partagent la même aigreur et elles ont les mêmes mensurations : énorme poitrine, lèvres botoxées, lookées de manière artificielle… Elles se plaisent et nouent immédiatement une solide amitié, qui sa se concrétiser dans l’entraide en faveur d’une vengeance. Car les projecteurs ne sont pas tombés par accident sur les jambes de Paz…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour comprendre Paz et Polly, il faut prioritairement savoir ce qu’est le « twerk ». Cette danse popularisée par certains clips de hip-hop consiste à remuer les fesses – que les pratiquantes ont en général bien charnues, voire très dodues – de manière obscène et provocante. La classe à Las Vegas. Dans cet album, les héroïnes Paz et Polly ont élevé la pratique au rang d’art, comme style de vie. Les apparats superficiels sont leur religion : elles ont les mêmes lèvres botoxées, les mêmes fringues de mauvais goût et les mêmes implants mammaires XXXXL. Et les mêmes jambes coupées, par des causes différentes. Ce handicap commun va être le déclencheur d’une solide amitié. Car oui, dans ce déluge de scènes obscènes et de comportements absconsément outranciers, dans un décorum ultimement bling-bling et une propension à abuser de l’hémoglobine, dans un noir et blanc stylé, très marqué et sans concession, dans une mise en scène emphatique qui fraye (de loin) (parfois) avec l’art contemporain, le propos final de l’histoire composée par Juliette Bensimon-Marchina est bel et bien une histoire d’amitié sincère et optimiste entre deux créatures écorchées de la vie, que n’aurait pas reniées Russ Meyer. Twerk is life, be happy.