L'histoire :
Un prince et une princesse d’antan se promènent galamment dans un sous-bois. La princesse demande au prince quelle est sa marotte. Interloqué, le prince fait une réponse évasive. De retour en son castel, il convoque ses hommes et exige avec virulence qu’ils lui rapportent la plus belle marotte de tout le royaume. Ils ont un mois. Un mois plus tard, épuisé par cette longue quête, un soldat se présente au prince avec un animal improbable ligoté. Dubitatif, le prince s’en satisfait et espère que ça conviendra à la princesse. Car avec la précédente duchesse, il leur avait fallu 3 mois pour rapporter un hobbie vivant et elle n’avait même pas dit merci…
Au kiosque à journaux, une femme demande Célibataire magazine. Plus tard dans sa vie, elle achète Romance Mag. Plus tard, elle veut la Revue du mariage. Encore plus tard, c’est au tour de Femme enceinte magazine. Logiquement, la cinquième fois, le kiosquier lui propose Bébé magazine… Mais non, en fait, elle veut Congélateur magazine.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Peut-être qu’Antoine Marchalot a un grain. Un grain de sable dans les synapses, qui confine au grain de génie. Cette Vie de famille agréable est un recueil de gags en noir et blanc, inscrits dans des gaufriers réguliers de 6 cases, au format paysage. Ça, c’est pour être pragmatique sur la forme de l’objet. Car pour le fond, ça va déjà être plus compliqué… L’humour pratiqué par Marchalot ne se range en effet dans aucun tiroir, ne ressemble à aucun autre, tout en étant tout de même très efficace sur le plan zygomatique. Essayons tout de même de définir le style comique comme absurde, loufoque, décalé, imprévisible et sans cesse renouvelé. Il brasse tous les contextes, met en abyme, parodie et moque notre monde policé, les rouages sociaux protocolaires, les modes et les convenances. On s’attend à rire de la lèvre supérieure en fin de gag et paf, c’est la joue gauche qui part, au beau milieu. Souvent, il y a même des effets double ou triple lames. Il fait parler les gants de toilettes, transforme Raymond Barre en astéroïde et fait sécher de l’eau. Avec lui, Julia Roberts est un chameau, les sculptures capillaires sont des animaux morts et on danse le tango avec des canards. La partition graphique joue aussi pleinement de la déstructuration gaguesque, de l’abstraction des formes. Ses personnages semblent en général tout droit sortis d’une toile de Picasso, n’appartiennent à aucun style et sont déformés à dessein… parfois aux limites du tout-pourri. Pour toutes ces raisons underground et hétéroclites, l’ouvrage aura sans doute une audience confidentielle. Dommage, car on se situe ici à la pointe de la recherche en matière d’humour allégorique.
