L'histoire :
Le professeur Pedro Joao Himmelkopf, diplômé des « sciences cognitives de la Cabeza de Tijuana », rencontre enfin, accoudé à un bar, le cobaye qu'il cherchait pour étudier les affres de la crise de la quarantaine. Ce dernier n'est autre que Manu Larcenet, auteur de BD qui doute, père de famille dépassé, vautré plus que de raison sur le canapé devant sa télé. S'ensuit une série de réflexion sur des sujets aussi importants que « comment désacraliser le monde », « moquons les suicidaires » ou « la théorie du voisin », tous abordés par des témoignages vécus de l'auteur, qui se confie sur le divan du professeur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rien de très sérieux dans tout cela, en tout cas, pas au premier degré. Pas de prétention non plus à travers ces textes de quelques pages entrecoupés de dessins muets, mais quelques moments de vérité vraie sur la vie de famille et les affres de la création, qui rappellent Le retour à la terre. Chaque sujet, abordé sous des aspects pseudo sérieux part systématiquement en vrille sous l'impulsion de l'auteur-dessinateur qui, au gré de ses envies, coupe court ou fait durer le plaisir dans chacune de ses chroniques. Avec Manu Larcenet, on se réjouit à nouveau de partager un petit moment d'intelligence, et de quelques une de ses pensées profondes, ici pas toujours très défendables, car foncièrement misanthropes. On devine qu'il s'agit d'une sorte de défouloir, de fourre-tout sympathique dans lequel les limites ou les contraintes de l'album de BD classique n'ont pas cours. Ce qui nous amène à enchainer les textes et les dessins rapides et nerveux, avec des transitions sans préavis (les quelques pages après la visite chez le médecin qui lui annonce qu'il doit perdre 20 kilos, en sont un bel exemple). Pour mieux prouver cette liberté de ton, on a droit en milieu du livre à une « blague antisémite », annoncée plusieurs pages à l'avance, comme un pied de nez à la nécessité du politiquement correct. Une fois racontée, ladite blague est tournée en dérision, ce qui réconforte le lecteur qui aurait pu craindre un dérapage. Mais le pied de nez a fonctionné à plein. Toujours malin, Larcenet. Au final, 218 pages de format presque carré (comme un gros livre de poche) qui se lisent un sourire au coin des lèvres, et qu'on a envie d'offrir à son oncle ou à son beau-frère, si on a de l'estime pour leur ouverture d'esprit et leur sens de l'autodérision. Un élément de plus dans la production pléthorique de Manu Larcenet, mais comme toujours, et malgré les apparences, cohérent.