L'histoire :
Début XXème siècle, sur le quai d’un petit port breton, est assis « Pasd’bol », qui rafistole des filets. Ce marin est surnommé ainsi car il est réputé porter la poisse dès lors qu’on l’emmène au large. De fait, il reste majoritairement à terre, et se rend utile en effectuant toutes les basses œuvres nécessaires. Le grand Fanch, capitaine de « La République », n’est donc pas surpris de le trouver là, alors qu’il s’impatiente du retour tardif de la sardine, en scrutant l’horizon. Soudain, une chaloupe est de retour et vu de loin, son équipage gesticule beaucoup. En effet, leur coque est pleine, la sardine est enfin de retour ! Et en nombre ! Le grand Fanch fait aussitôt appareiller son navire. Et comme il en a marre des superstitions idiotes et qu’il a besoin de main d’œuvre, il demande à Pasd’bol de monter à bord. A quelques encablures, les autres sardiniers concurrents le raillent, entre moqueries et craintes. Ils sont une dizaine d’embarcations à rejoindre ainsi un gigantesque banc de sardines et à jeter leurs filets. La pêche est excellente, mais un gros grain se profile. Vus les nuages, ça va même être une sacrée tempête. Fanch est prudent, il remet aussitôt le cap vers le port. Les autres sardiniers restent, à profiter de cette pêche miraculeuse. La République est quasiment de retour, lorsque l’équipage aperçoit au loin, derrière eux, le terrible maelström qui s’abat sur leurs confrères. Fanch ne peut pas les abandonner à leur sort. Il ordonne de faire demi tour pour aller les chercher…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça va faire bientôt 10 ans que l’auteur breton Bruno le Floc’h nous a quittés. Ce fils spirituel – artistiquement parlant – d’Hugo Pratt n'aura légué au 9ème art qu'une dizaine d’ouvrages, mais un fonds « important », comme l’honore François Bourgeon dans sa préface. Comme chez Pratt, ses récits sont quasiment tous liés à la mer, à la culture des marins pêcheurs, à ces destinées souvent tragiques, de forcenés, encore au siècle dernier. Aristote ne disait-il pas : « Il y a les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer ». Les éditions Locus Solus rééditent aujourd’hui l’un des recueils majeurs de Le Floc’h, coordonné par sa veuve Armelle Le Minor et Brieg Haslé Le Gall, Président fondateur de l’association posthume « Les amis de Bruno Le Floc’h ». Au bord du monde réunit trois historiettes. La première, tragique, Pasd’bol, est résumée ci-dessus. Dans la seconde, Voyage au cap, le ton est à la fois romantique et comique : un jeune homme traverse la pluie en vélo pour retrouver son grand frère, qu’il n’a quasiment jamais vu… pour trouver finalement toute autre chose. Dans La dernière tournée de Fri Ruz, le ton est entre les deux, c’est à dire tragi-comique. Une bande de marins bons vivants veulent rendre un dernier hommage à leur copain mort ; et pour cela, ils trimballent sa dépouille en brouette de bar en bar ! Sur chacune, intégralement en noir et blanc, on retrouvera le trait encré élégant, l’équilibre parfait des cadrages, une peinture contemplative et pointue du monde des marins pêcheurs, une puissante poésie de la mer. L’ouvrage se conclut par un long hommage biographique et un cahier graphique très riche, comportant deux courts récits BD inédits.