L'histoire :
En 1913, à Paris, le réalisateur libertaire Armand Guerra, qui veut tourner un film sur la Commune de Paris, rend visite à Nathalie Lemel. Cette vieille dame, il la connaît bien. Elle a connu la commune de 1848 et la commune de Paris de 1871. Elle a aujourd’hui 87 ans, et garde toute sa tête. Dure, la tête, elle qui refuse de tourner dans le film comme le jeune réalisateur lui propose. En revanche, Nathalie est plus diserte sur sa vie. Elle grandit à Brest, près du port, pas si loin de la prison, au milieu des marins et des ouvriers des arsenaux, dans une taverne tenue par ses parents. Mariée en 1845, elle vit la commune de 1848 par procuration à Brest, mais est furieuse que Lamartine ait refusé le drapeau rouge pour la IIème république qui vient d’être proclamée. Son mari, Adolphe Le Mel, tient une librairie. Il est relieur, et sa femme profite de leur boutique pour partager les écrits révolutionnaires de Proudhon ou de Marie-Reine Guindorf. Mais en 1858, elle va trop loin. Le jour de la visite de Napoléon III, alors que toute la ville va voir le défilé, elle met en vitrine le pamphlet de Victor Hugo Napoléon le petit. C’est la fermeture administrative, et la famille Le Mel doit partir à Paris chercher du travail.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La commune de Paris est un évènement mal connu de l’Histoire de France. C’est pourtant un moment d’espoir dans l’humanité et un souffle de liberté à nul égal dans le monde. Roland Michon et Laetitia Rouxel prennent le parti de nous faire vivre cet épisode par les yeux d’une jeune femme impliquée, Nathalie Lemel. Comme dans le triptyque de Lupano Communardes !, les femmes d’actions sont à l’honneur et cela donne un éclairage important sur l’Histoire de France. Ici, le discours est beaucoup plus engagé, beaucoup axé sur les idées libertaires. Les réunions de nuit, après les journées sans fin, les grandes idées, changer le monde… on a l’impression que c’était il y a des siècles. Mais il y a 150 ans, la police pouvait tirer dans la foule, on pouvait être arrêté si on se réunissait le soir après le travail, les femmes n’avaient pas le droit de vote (elles ne l’ont que depuis 70 ans) et souvent, elles n’avaient même pas le droit de se plaindre quand elles étaient battues et violées. Les femmes comme Nathalie Lemel ou son amie Louise Michel, avec qui elle sera déportée en Nouvelle-Calédonie après la commune de Paris, étaient mieux que des super héroïnes. Plus fortes, plus courageuses. Plus en danger. Bref, le ton est plus militant et le récit est davantage tourné vers le sens des combats de Nathalie Lemel que sur l’action. Il en sort une œuvre plus difficile à lire, plus longue aussi car le format est différent. Le dessin de Laetitia Rouxel, avec beaucoup de douceur et de naïveté, des couleurs de tableau ou de carte postale vieillie, donne un aspect suranné à l’ensemble, agréable, généreux et instructif. En ces temps troubles, ça ne peut pas faire de mal.