L'histoire :
Avant de se maquiller pour la soirée, Eve se fait vomir. Elle n'est pas vraiment boulimique, c'est juste pratique pour ne pas trop prendre de gras autour du bide. Des amis l'emmènent ensuite en bagnole avec Victor, son frangin un poil plus jeune, pour rejoindre la « skins party » à laquelle ils sont conviés. En 1 minute, Eve brosse d'un coup d'oeil tous les participants mâles et jette son dévolu sur l'un d'eux, accoudé au bar. Elle l'embrasse direct, mais se fait aussitôt jeter. Pas grave. Elle retire ensuite son chemisier (elle n'a pas de soutif), pour monter sur scène faire la gogo-danseuse, topless. On la tripote, on la drague, elle balance un râteau, elle s'enivre... Elle embrasse aussi un type avec un masque de cochon. Puis elle accepte un verre contenant, à son insu, une substance hallucinogène. Dès lors, sa réalité et sa volonté basculent. Vautrée à moitié à poils sur un canapé, elle est la victime d'une « tournante ». Ses 4 violeurs lui mettent un masque de gorille. L'un d'eux incite ensuite Victor, son frère, à participer au viol collectif. Pendant ce temps, Alexandre, le gars au bar qui a jeté Eve, aperçoit Quentin qui arrive avec sa copine. Il le suit et s'isole avec lui dans une chambre... car ils sont amants. Ils s'embrassent, puis ils s'attrapent, ignorant qu'ils sont filmés depuis le balcon par Bastien, avec son téléphone portable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Largement inspiré par le feuilleton Skins et dans la lignée directe de Black Hole, le chef d'oeuvre de Charles Burns, le jeune auteur Timothée le Boucher focalise, à travers ce premier album solo en one-shot, sur le phénomène de société de la skins party (un phénomène déviant surtout anglosaxon). Pour ceux qui ne connaissent pas, les jeunes débauchés qui participent à ce genre de soirées privées, consomment un maximum d'alcool et de drogues, puis s'adonnent à leurs fantasmes et à leurs pulsions sexuelles, sans retenu. Logiquement, on assiste donc à travers le récit de le Boucher à un un joli florilège des comportements ultimes qui peuvent naître de ce genre de partie sans limite : ecstasy, viols tournants, exhibitionnismes, comas éthyliques... Et l'auteur n'hésite pas à forcer carrément la dose (inceste, snuff-movie, crimes...). De quoi angoisser définitivement les parents d'adolescents ! Sur le plan de la narration, le Boucher emprunte judicieusement les codes des teen-movies et le schéma du récit chorale : 5 chapitres présentent chacun le point de vue d'un ado. Ainsi, les destins d'Eve, d'Alexandre, d'Antoine, de Marion et de Bastien vont s'entrecroiser au cours d'une seule soirée. La distance procurée par l'absence de personnage central renforce alors encore le sordide et le sentiment de malaise. Au fil de la lecture, ces séquences s'entrecoupent et s'expliquent, délivrant une intrigue en forme de slasher (thriller avec des ados meurtriers) parfaitement structurée. Est-ce la somme des comportements extrêmes ou la déviance d'un seul qui sera à l'origine du final tragique ? Le trait fin du dessin est quant à lui appliqué, pour un style réaliste aussi simple qu'efficace, enluminé par une colorisation décalée, parfois fluo-trash, en accord avec les ambiances sulfureuses du monde de la nuit. Que voilà donc une première oeuvre très prometteuse...