L'histoire :
De nos jours, dans la banlieue de Gonesse, Badji sort enfin de taule. Il va toutefois devoir payer 5000 euros au tribunal, dans les deux semaines qui suivent, rapport à un vol de bagnole de l'année précédente, pour éviter de retourner en zonzon. Mais il ne se bile pas vraiment : 2 Kg de shit l'attendent, bien planqués chez lui, qu'il va débiter et revendre en sav'. Il ignore juste que son frangin Mouss, qui vient de se faire virer de son bahut pour fumisterie intensive, en a déjà profité pour son compte. Au même moment, Jérôme, vendeur de cuisines en kit, tente de faire signer des clients endetté à 45%, moyennant un petit dessous de table perso de 500 euros. Mais il est sans cesse dérangé au téléphone par Mouss, qui veut lui refourguer son shit. Comme la transaction capote, Mouss se rabat sur une autre cliente, Jenifer, secrétaire corrompue dans une boîte immobilière. Ça tombe bien, Jenifer a les moyens : elle vient de détourner le loyer d'un locataire en liquide. Elle rejoint Sandrine qui chiale sa mère, parce qu'aujourd'hui elle se fait téj de partout. Elles partent s'éclater en boîte, tandis que Fabrice, lui, fait un détour par un buisson du bois de Boulogne...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence comme un récit chorale dans une banlieue pourrave, où l'on est tour à tour présenté à des protagonistes tous plus zonards les uns que les autres. Le refourgueur de came, le demeuré qui vit dans une clairière, la salope sans scrupule... Et ça se balance des répliques en langage de djeunz (le bon vieux verlan traficoté) tout en zonant à qui mieux mieux. Au fil des pages, les 8 acteurs de cette tragicomédie sociale se regroupent et une intention aussi trouble que burlesque se dessine : plaquer leur vie de merde et foutre le camp à la Guadeloupe, à bord d'un voilier qu'il n'ont pas encore acheté. Le récit chorale se transforme alors en road-movie pathétique, toujours enluminé par une verve banlieusarde pas piqué des vers. En intention centrale de ce one-shot, ce langage est plus poilant par sa forme et sa récurrence que par son fond. Sur la durée, l'exercice tourne donc court. L'ouvrage a néanmoins le mérite de refléter la problématique insoluble des banlieues. Les mentalités ahurissantes de ce microcosme s'expliquent par un horizon limité au quartier et un avenir au très court terme. Mainte fois exploitées et/ou dénoncées, elles sont toujours « un peu rigolotes », mais laissent systématiquement un sentiment d'amertume en tête. Sur cette partition sociale, le dessinateur Tom (Viguier) joue de sa griffe spontanée « nouvelle vague », qu'on résumera par un trait un peu brouillon au profit d'une mise en scène dynamique et expressive. Au terme de pile-poil 100 planches, on quitte cette bande de sacrés glandus sans regret de ne pas en savoir plus sur leur destinée atlantique : on se doute que ça n'atteindra pas grand chose de très productif.