L'histoire :
Béatrice lit les journaux dans le métro et tombe sur un article terrible sur la guerre d'Algérie. On y raconte comment les femmes ont été voilées et toutes les horreurs qui pouvaient s'y dérouler. Quand elle rentre chez elle, elle aborde le sujet avec ses parents. Elle aimerait connaître ce qu'a vécu son père, lui qui a fait cette guerre. Il répond vaguement que les journalistes racontent n'importe quoi sur ce sujet. Et quand Béatrice lui pose d'autres questions, il finit par s'emporter et refuse d'en dire plus. La mère parle à Béatrice et lui explique qu'elle non plus ne sait pas grand-choses sur cette période difficile. Elle n'est allée en Algérie qu'une seule fois pendant la guerre. Elle a même vu un attentat en direct et n'a pu traverser les barrages que parce qu'elle était française. Quand elle est partie, elle a vu son mari pleurer pour la première fois de sa vie. Elle encourage Béatrice à se renseigner plus sur ce sujet. Pour ce faire, elle lui conseille d'aller voir une amie à elle : Saida, une algérienne. Béatrice espère que les femmes seront plus bavardes que les hommes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S'il est un sujet politique encore compliqué à aborder, c'est bien la guerre d'Algérie. À l'image de sa couverture choc, cet album s'attaque à cette période particulièrement épineuse. Signe des temps modernes, la guerre est racontée en se focalisant essentiellement sur les femmes. Ce choix est intéressant et nécessaire, puisque les femmes algériennes ont également souffert de cette époque horrible. C'est donc une femme qui enquête sur ses origines et se rend en Algérie pour comprendre ce qu'il s'y est passé entre 1954 et 1962. Ce reportage est fait de rencontres avec d'autres femmes qui ont vécu de près ou de loin des épisodes tragiques. Même si le procédé n'est pas original, il a le mérite d'être fluide et vivant. Les témoignages permettent habilement de retracer les grandes lignes de la guerre : de la révolte des Algériens à la lutte armée, du massacre des civils aux représailles, de la libération à la fuite des harkis et des pieds noirs. À travers les conversations, on redécouvre les actions des fellagas tout en revivant le quotidien des habitants de l'époque. La dernière rencontre aborde bien sûr la page la plus sombre de la guerre : les violences et les tortures. Le récit devient quasi insoutenable, mais il remet en lumière les pages les plus sombres de notre histoire. Avec beaucoup de clarté et de simplicité, Swann Meralli parvient à rendre une image juste et complète de la guerre. La simplicité, c'est également le mot pour le dessin de Deloupy. Dans un style paradoxalement rond et clair, le dessin parvient à rendre l'humanité des personnages tout en dénonçant avec force la violence de la guerre. L'œuvre est un beau miroir qui nous est tendu pour ne pas oublier l'image de notre histoire...