L'histoire :
Cécile Cée ouvre sa bande dessinée sur des phrases qui posent le contexte : « on pense que l'inceste c'est une histoire de sexe entre un père et une fille, à la rigueur un frère et une sœur. Mais c'est tellement autre chose, l'inceste. L'inceste c'est avant tout un rapport à la vérité et au silence ». Les choses sont posées, dès le départ. L'inceste, c'est le nez au milieu de la figure et c'est avant tout une histoire plus globale, et non une histoire entre deux individus. Cela concerne l'ensemble d'une famille, et c'est un rapport de domination. Il s'agit ensuite de savoir qui commande, et qui regarde ailleurs. Cécile Cée sort d'une amnésie traumatique. Elle réalise qu'elle a été victime d'inceste durant son enfance. Alors elle se lance dans une quête intime et questionne cet inceste dans le cadre de sa famille. Que s'est-il passé ? Qui est concerné ? Elle a lu de nombreux textes, qui lui ont permis de comprendre de manière plus précise les mécanismes de silenciation autour de l'inceste dans notre société. Et elle applique les principes qu'elle a pu y trouver, les clés de compréhension, à sa propre histoire familiale. Pourtant, l'inceste fait des ravages : un enfant sur dix est concerné. Alors il faut parler de ce sujet pour déconstruire cette culture de l'inceste.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cécile Cée est une victime de l'inceste. A travers ce roman graphique à un format de journal intime, elle se livre sur son histoire familiale, elle se questionne, elle analyse les schémas qui se mettent en place dans notre société, qui passe sous silence la culture de l'inceste. La bande dessinée est constituée d'une multitude de petits chapitres, chacun abordant un sujet particulier, l'histoire d'un membre de la famille. Ils sont toujours suivis d'une ou plusieurs pages de textes factuels et analytiques du sujet en question, ce qui permet d'en apprendre davantage. Les chiffres sont affolants : en moyenne, un enfant sur dix a été victime d'inceste au cours de sa vie. Pourtant, le sujet n'est pas mis sur la table. Il est même parfois toléré, comme l'autrice le montre avec le cas de la famille Gainsbourg. Cette bande dessinée est à la fois un cheminement libérateur pour l'autrice, qui se livre à cœur ouvert sur le sujet, mais qui met en parallèle sa situation individuelle, avec une situation systémique et sociétale. Certes, le sujet peut effrayer. Pourtant cet ouvrage est nécessaire. Il permet de saisir les rouages de l'inceste. Peut-être permettra-t-il aux lecteurs une prise de conscience, mais aussi d'être plus à l'écoute, d'être plus attentifs aux signaux qu'ils peuvent détecter, en les incitant à agir et à ne pas rester passifs autour de ces situations. Les illustrations sont crayonnées, au crayon de couleur, ce qui renforce l'aspect journal « intime » de l'album. Cet album impactant aborde le sujet de l'inceste de façon complète, didactique, avec un engagement fort, presque politique, pour dénoncer ces violences systémiques.