L'histoire :
La ville est séparée en quartiers très distincts. Il y a d’abord le coin des usines. Elles sont comme d’imposantes cathédrales, avec des cheminées qui crachent leurs fumées comme des flèches vertigineuses, et des halls gigantesques comme des nefs. Dans certaines, on fabrique des plaques en inox, qui serviront plus tard à devenir des éviers de cuisines ou des bacs à douche. Dans d’autres, des centaines de petites mains assemblent méticuleusement des petites pièces – ressorts, boutons poussoirs chromés, pour devenir des appareils sanitaires. Pendant la guerre, les usines ont connu une effervescence sans pareille. Le long de ce quartier, coule l’Arthe, une rivière qui s’assèche intégralement l’hiver, mais bouillonne l’été (la fonte des neiges). Et le long de l’Arthe, passe la voie ferrée. Deux ponts enjambent ces deux axes pour rejoindre la cité résidentielle. Des centaines de petites maisons en briques sont accolées les unes aux autres, identiques, « ouvrières ». Elles s’enroulent dans des rues toutes courbes. Plus loin, il y a « la coquille », le quartier historique de la ville, pittoresque avec ses vieilles bâtisses à colombage, en bois ou en pisé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire d’une ville, totalement imaginaire et logiquement peuplée de gens fictifs, qui ont des destins tout-à-fait ordinaires. Mais une ville atypique, car composée de quartiers très distincts, tous inspirés de quartiers typiques. Architecte de formation, Emilie Ettori se fait visiblement plaisir en construisant la ville de ses rêves, comme un gamin doué le ferait avec des kilotonnes de Legos®, afin de pouvoir en dessiner les perspectives, plutôt plongeantes, sur ses ambiances. Elle s’inspire tantôt des quartiers haussmanniens de Paris (l’Opéra !) ou plus certainement de Lyon, sa ville natale. Et puis comme dans un rêve très souple, cette ville a aussi des ruelles de villages pittoresques de vacances, une forêt sur une butte, une frontière paysanne, une zone industrielle aussi romantique que la Battersea Power Station de Londres (cf. la pochette d’Animals, de Pink Floyd)… Une première partie de cet album au format géant décrit avec lyrisme et dessine plutôt vue du dessus ces quartiers caractéristiques. Puis l’autrice met en scène différents destins en un récit chorale, pour donner vie à ces secteurs hétérogènes. Il y a Antoine le voiturier, Yves et son chien, le jeune Denis et son vélo, Mme Fournier la concierge, Serge le garçon de café, Lucie l’ouvrière… Il y a aussi le souvenir et les cicatrices d’une guerre passée. On s’intéresse beaucoup moins à ces destins fictifs, détachés et ordinaires, notamment parce que le traits de dessin d’Emilie Ettori est bien moins « esthétique » pour camper des personnages, malgré des angles de vue et des perspectives intéressantes, que pour dessiner des quartiers et leurs ambiances propres vus du dessus.