L'histoire :
Rangoun. Le portrait d’Aung San Suu Kyi dressé en pleine ville interpelle deux journalistes. Le Prix Nobel de la Paix qu'elle a reçu en 1991 est menacé de lui être retiré, dans la mesure où elle n’a pas pris le parti des musulmans rohingya, persécutés et contraints de fuir vers le Bangladesh. Un premier entretien avec Moe Thway, de Generation Wave, un groupe militant, interroge sur la manière dont cette crise a été gérée. Déplacement ensuite vers Meiktila, pour rencontrer Soe Win, un journaliste de Mandalay, qui leur servira d’intermédiaire. Ils échangent alors avec une famille musulmane qui a du fuir un temps son domicile après l’incendie de la mosquée de leur village, pour vivre dans un camp de réfugiés. Ils expliquent que les moines bouddhistes faisant partie du Ma Ba Tha, mouvement extrémiste, à la tête duquel se trouve Wirathu, « visage de la terreur bouddhiste » selon le Time, n’appellent pas vraiment au calme. Leur entretien avec le moine U Wi Thote Da est compromis… Direction alors Amarapura pour discuter avec U Thein Win Aung, un musulman qui préside un groupe de maintien de la paix. Ils ne pourront pas non plus s’entretenir avec U Zargara, l’assistant de Wirathu, par précaution…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Frédéric Debomy et Benoît Guillaume sont des spécialistes de la Birmanie. Ils ont déjà publié plusieurs ouvrages sur le sujet. Ils nous livrent ici une bande dessinée très bien documentée sur des thèmes sensibles en Birmanie, s’articulant autour des les rohingya, minorité musulmane, et des persécutions qu’ils subissent. En première ligne, Aung San Suu Kyi et ses décisions politiques controversées, menacent son prix Nobel de la Paix. Mais aussi les moines bouddhistes extrémistes et la condition des femmes, bridées, considérées presque comme des « incapables majeures ». Le traitement se présente sous forme de témoignages successifs et bouleversants à travers le pays, face à un pouvoir politique qui ne regarde que l’intérêt national au détriment de la démocratie. Les auteurs présentent une vérité parfois difficile à entendre, dressant un bilan en demi-teinte, voire négatif, des choix politiques engagés et des discriminations qu’ils engendrent. Le trait caractéristique de Benoît Guillaume demandera à l’œil un temps d’adaptation. Ce ne sera qu’au bout de quelques pages que nous pourrons nous plonger réellement dans les méandres politiques birmans. Le choix des couleurs reste équilibré et harmonieux, tournant autour des nuances de bleu-jaune-orange et noir, selon les moments évoqués, à la manière d’un carnet de voyage impressionniste. Comme toutes les bandes dessinées comportant une dimension « politique », il est nécessaire de porter un recul sur les propos rapportés et les opinions qui n'engagent que leurs auteurs. L’ensemble reste très instructif et à recommander pour sa limpidité, son intérêt pédagogique.