L'histoire :
En août 2043, Salem Hoarau est en visite sur une exploitation minière au Nord-Ouest de Gambang (Malaisie) exploitée par son patron, un grand consortium chinois. Le directeur du site lui fait faire un tour en voiture jusqu’au fond du gigantesque trou. Il aborde sans détour les deux grosses problématiques du moment. Primo, les risques que la main d’œuvre locale bon marché les traine en justice, en raison de la prolifération des cas de cancers. L’exploitation nécessite en effet toujours plus de produits chimiques. Deuzio, le tarissement du métal rare qui est ici recherché : le prométhium. Pour l’heure, il y en a certes encore pour une dizaine d’année à extraire du lanthane, du néodyme et du samarium… Mais pour le prométhium, il va falloir chercher ailleurs. Le désastre écologique que de telles mines géantes à ciel ouvert génèrent, ne semble pas trop les émouvoir. Tant que des matériaux de synthèse ne parviennent pas à supplanter les métaux rares, ces prélèvements directs de minéraux purs dans le sol terrestre continueront. Hoarau repart de l’usine de raffinage avec la totalité du dernier prométhium récupéré : presque un demi-gramme. Il met alors le cap vers une autre destination : Nusa Penida, au sud de Bali, la dernière déchetterie de métal du monde…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec son livre sur La guerre des métaux rares, ici adapté en BD par Séverine de la Croix et dessiné par Jérôme Lavoine, le journaliste Guillaume Pitron se positionne avec une crise climatique d’avance. Il nous imagine en 2043, en ayant résolu le problème du réchauffement climatique dû à l’exploitation des énergies fossiles. Dans ce futur « idyllique », où l’Homme a réussi à limiter le réchauffement à +3°C, ce sont donc des centrales éoliennes et solaires qui assurent le gros des besoins énergétiques mondiaux. Trop cool, donc ? Pas vraiment… Car les besoins en métaux rares pour faire tourner les générateurs des éoliennes, fabriquer les batteries des voitures électriques ou les plaques solaires, engendrent un autre type de pollution, toute aussi néfaste. D’un côté l’exploitation minière des métaux bruts (à la quantité parfois finie !) nécessite des produits chimiques cancérigènes ; de l’autre, le recyclage des métaux usagés, la plupart du temps incorporés dans des alliages, est extrêmement complexe. « Désalier » les métaux en vue de les réutiliser n’est pas beaucoup plus simple que de séparer le beurre du sucre et du jaune d’œuf d’un gâteau au chocolat rassis ! En somme, comme l’explique très bien le dossier final, une crise écologique en chasse une autre, chacune répondant à tour de rôle au diktat de la consommation mondiale. Cette synthèse finale de 8 pages constitue un article essentiel pour qui veut comprendre l’impasse environnementale actuelle. Bien plus pertinent, en tout cas, que la BD qui précède, dans laquelle nous suivons un salarié d’un grand consortium chinois faisant le tour des sites de production / de récupération / de traitement du fameux prométhium, un minerai nucléaire aussi rare que précieux – sa présence totale sur terre est estimée à 600 grammes ! Ledit salarié a certes conscience du désastre auquel il participe. Mais à l’instar du personnage de Nicolas Cage dans le film Le maître de guerre, il sait que ce n’est pas lui qui pourra freiner le suicide collectif, à son échelle individuelle. Alors il fait ce pour quoi il est payé à faire. Les séquences BD sont quelque peu caricaturales, pas toujours explicites dans leur narration, pas toujours passionnantes. Et pourtant tout semble très juste, parfaitement documenté et sérieux. De même, le dessin semi-réaliste en noir et blanc accumule les écueils : recopiage de photos, passages minimalistes, erreurs de proportions, de zooms, d’épaisseurs de traits, confusion des personnages… Cette BD de plus de 100 pages permet néanmoins d’introduire le dossier synthétique fort bien amené sur le sujet des métaux rares.