L'histoire :
La semaine prochaine, c'est la journée des papas. Chaque élève devra présenter le sien devant la classe. Problème : celui de Céline est décédé quand elle avait deux ans. Bin, elle aura zéro lui rétorque l'instit' : « Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? »... Un homme est désespéré, sa femme le trompe. Son pote lui demande aussitôt : « Qu'est-ce qui te fait dire ça ? – Bah, elle a l'air heureuse...» Sally vit tout de suite que Michaël était différent. Et pour cause, il a un pied à la place de la tête... Le professeur Schnött soumet Batman au test de Rorschach. Mais l'homme chauve-souris, un peu béta, ne reconnaît pas le premier dessin... Un dessin qui lui ressemble étrangement. Un petit garçon rentre chez lui et veut annoncer à ses parents son « problème » : il est gay ! Lorsqu'il le fait, papa et maman s'effondrent : « Non, Kevin, pas toi ! ». Non, c'est une blague, il veut juste faire signer son bulletin sur lequel est indiqué : « coups et injures envers les profs ». Pour le père : « Ça fait viril, ça » et sa mère : « Les filles adorent les bad-boys... » Rien ne va plus à Macadam Valley...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà une très belle surprise signée Ben Dessy, auteur belge inconnu de nos services. Et pour cause, Macadam Valley, nom de son blog lauréat des Golden Blog Awards 2012 et, ici, recueil de strips d'une drôlerie sans pareille, est son premier jet dans le monde de la BD (à noter que les strips ont tous été publiés sur le site de l'auteur depuis 2012). Macadam Valley est un véritable coup de maître dans le registre de l'humour, qu'il soit noir, potache, absurde ou régressif, jamais facile ou gratuit ici, mais d'une efficacité et d'une subtilité remarquables. Pour tout dire, il est impossible de traduire dans une modeste chronique toute l'intelligence des gags de Ben Dessy. Parce qu'ils sont très visuels, l'auteur jouant du hors-champ à merveille, des mots à double sens à l'envi, tout en soignant le décalage entre un texte presque ordinaire et son contre-pied graphique, toujours tordant, montrant des visages dépités, des « bonhommes » crédules, des animaux roublards, des gosses impertinents et même des objets doués d'un sens de l'humour étonnant. Ses thèmes sont les obsessions sexuelles, les jeux de massacre, les faits divers, les accidents du quotidien, les inquiétudes amoureuses... Irrévérencieux, cynique, l'auteur dézingue la bienséance et renverse toutes les bonnes manières pour notre plus grand plaisir. Oui, Ben Dessy, avec une acuité salutaire, maîtrise l'art de la chute incongrue, et ce dans n'importe quel format : une, deux, trois voire plusieurs cases, qu'elles soient muettes ou non. Bluffant ! Graphiquement, on aurait pu s'attendre à un trait un peu foutraque, mais Ben Dessy met là aussi un point d'honneur à lécher son trait, précis et ultra expressif, pour camper des gueules ou des situations. Rigoureux et efficace, dans une veine cartoon maîtrisée, c'est un modèle de lisibilité. A l'aise dans tous les registres, Ben Dessy semble avoir parfaitement digéré ses classiques et révèle pour un premier opus un talent énorme. Les réfractaires lui reprocheront peut-être un manque d'originalité dans ses pitchs. Et encore. Mais il est si rare de rire autant et franchement devant une « BD d'humour », qu'on est prêt à succomber sans hésitation. D'autant plus que Ben Dessy ne faiblit jamais dans la qualité. Difficile en effet de mettre des gags de côté et, là encore, c'est très rare dans ce genre d'exercice ô combien délicat, joué le plus souvent à quitte ou double. Bref, « on rit du début à la fin » (signé : un mec pas payé par l'auteur pour dire ça). Alors bravo et bonne route pour la suite...