L'histoire :
A Gniezno, un prince avait fait fortune dans le bétail. Il possédait les plus belles bêtes du pays. Il se fit construire le plus somptueux des palais et épousa la deuxième plus belle femme du pays, la première étant temporairement hors course. Il avait tout pour être heureux, mais il était dans l’expectative d’un héritier pour son royaume bovin. Un jour, son bouvier lui rapporta l’histoire d’une vieille femme errante qui, pour remercier un paysan, bénit son animal. Le printemps suivant, la bête mit bas 77 veaux ! Inspiré par un tel récit, le prince envoya ses hommes quérir une vieille. Faute de description adéquate, ils ramenèrent la première vieille venue. Le prince la supplia tant et si bien qu’elle accepta de bénir son épouse contre la promesse de lui donner, la saison suivante, le premier né de son cheptel bovin. Sur ce, le prince ne ménagea pas sa besogne et la princesse ne tarda pas à être enceinte. Neuf mois de bonheur s’écoulèrent pour le couple, jusqu’aux eaux annonciatrices de l’évènement tant attendu. Hélas, ce ne fut ni un garçon, ni une fille qui vit le jour, mais un veau ! Le premier d’une portée de 77, que le prince, rempli de colère et de sentiments religieux profonds, se fit un devoir d’occire complètement. La princesse qui avait trépassé d’épuisement ne vit pas le triste spectacle de son bien-aimé nageant dans le sang, en train de maudire la vieille qu’il tenait pour responsable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’instar de son auteur, Papa Zoglu est un OVNI de la bande dessinée. Avec des bords d’attaques dont il a seul le secret, Simon Spruyt happe l’attention avec un style inimitable. A partir de là, il livre en général un pamphlet bien senti sur la cible de son choix. Cette fois, il opte pour une ambiance visuelle digne de la chanson de geste, avec des personnages et un graphisme qui fleurent bon le moyen-âge. L’histoire, absolument loufoque et tirée par les cheveux, va bien au-delà des apparences et même du second degré. Si le cadre est le moyen-âge, c’est malheureusement parce que les mentalités n’ont pas évolué depuis, même si l’on veut bien se raconter le contraire et ne pas y regarder. A base d’une myriade de métaphores et d’un faux rythme qui permet à l’histoire de prendre toute son ampleur, l’auteur dégomme à tout va. Le pied complet ! Tout à fait politiquement correct, le récit est un bijou inracontable, tant il est riche. Ce serait comme expliquer pourquoi une blague est drôle. Un indice : Simon Spruyt aurait définitivement sa place chez les Monty Python. Mondialisation, religion ou homophobie ne sont qu’une partie des sujets très sérieux soulevés avec talent par ce philosophe de son temps. En artiste autonome, il s’occupe aussi du dessin qui, même s’il n’est pas au niveau du scénario, compense largement par son originalité et sa colorisation, en phase avec l’ambiance. La présentation de grande qualité (avec marque-page, siouplait !) ajoute encore du cachet à l’ouvrage. Un défaut cependant : la couv’ est très fragile. Les collectionneurs sont avisés !