L'histoire :
Après 6 ans à parcourir les océans, l’officier de la marine marchande britannique Charlie Marlow postule auprès d’une compagnie de commerce belge qui exploite l’ivoire sur le fleuve Congo. A sa grande surprise, il est embauché à peine franchi le seuil du bureau du directeur. On lui fait aussitôt un bilan de santé complet et plutôt bon… mais le médecin lui fait entendre qu’il ne faut guère compter sur un état aussi bon à son retour. Il lui dit même franchement qu’il n’a jamais pu ausculter aucun de ses prédécesseurs, car aucun n’en est revenu. Marlow dit au-revoir à sa tante, une riche anglaise persuadée qu’il fait œuvre humanitaire, sans lui révéler la vénalité de son engagement. Un premier bateau l’amène à l’embouchure du fleuve. Le long des berges, sur des centaines de kilomètres, la jungle semble dense, impénétrable… Lors d’une escale à Soyo, il embarque à bord d’un vapeur, qui remonte l’embouchure du fleuve jusque Matadi. A chaque fois, les marins qui l’escortent lui font comprendre que ce territoire et la quête d’ivoire rendent fou. Néanmoins il en faut plus pour arrêter Marlow. C’est le comptable du comptoir de Matadi qui lui révèle le nœud du problème qu’il va devoir affronter : Kurtz, l’homme à la tête du comptoir le plus avancé sur le fleuve, est devenu incontrôlable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après son adaptation dans l’après-guerre du Vietnam des années 70, par le réalisateur Francis Ford Coppola, on connait aujourd’hui plus le roman de Joseph Conrad dans sa version d’Apocalypse Now. N’empêche : cette quête impossible et crépusculaire aux tréfonds de la jungle et de sa sauvagerie primaire, a premièrement bien eu lieu dans la fiction sur le fleuve Congo à la fin du XIXème siècle. Luc Brahy adapte ici le roman originel Au cœur des ténèbres (publié en feuilleton en 1899) dans une version relativement fidèle. Et l’on suit donc le voyage de Marlow dans la jungle africaine, sa remontée du fleuve de plus en plus pesante, sombre, menaçante, comme s’il s’agissait de s’enfoncer dans les territoires infernaux de l’au-delà, à la recherche du fâcheux et incontrôlable Kurtz. Cette exploration moite et malsaine de la jungle, pour une cause à l’origine mercantile, est bien entendu l’allégorie d’un voyage intérieur aux tréfonds de l’âme noire humaine – et c’est cette dimension métaphorique qui vaut à l’œuvre d’être maintes fois adaptée et détournée. Au long d’une narration efficiente, Brahy déroule sa griffe artistique semi-réaliste personnelle bien en place, à laquelle s’adapte vraiment très bien la colorisation angoissante de manière croissante de Cyril Saint-Blancat. Si vous ne connaissez pas l’œuvre… âmes sensibles s’abstenir.